Compte personnel de formation : du mieux et du beaucoup moins bien
Deux lois successives défrayent la chronique autour du compte personnel de formation (CPF) :
- l'une s'attaque à la fraude au CPF (Loi n°2022-1587 du 19 déc. 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires) ;
- l'autre impose aux salariés titulaires d'un CPF qu'ils participent dorénavant à leur frais de formation (Loi n° 2022 -1726 du 30 déc. 2022 de finances pour 2023, art. 212).
Tout démarchage envers les titulaires du CPF est interdit
Les salariés ne seront plus alpagués (appels téléphoniques, SMS, réseaux sociaux…) par des organismes peu scrupuleux pour dépenser dans l'urgence le crédit détenu sur leur CPF (art. L. 6323-8-1 C. trav.).
La loi interdit les prospections et démarchages visant :
- à récolter des données à caractère personnel comme le montant des droits acquis et les codes d'accès à la plateforme « mon compte formation » ;
- à conclure des contrats portant sur des actions de formations qui seraient éligibles au CPF.
Si l'interdit est bravé, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pourra prononcer des sanctions pécuniaires allant jusqu'à 75 000 euros si une personne physique est à l'origine de la fraude et 375 000 euros s'il s'agit d'une personne morale.
Les salariés arnaqués pourront être remboursés
Auparavant, la Caisse des dépôts et des consignations (CDC) devait saisir le juge administratif pour engager une procédure à l'encontre des fraudeurs au CPF. Dorénavant, elle est habilitée à agir directement et à contraindre les prestataires au remboursement des sommes indûment versées (art. L. 6323-44 C. trav.). Cette contrainte a les effets d'un jugement.
Ce recouvrement concerne également les salariés s'ils ont commis une fraude. Une retenue s'opère alors directement sur leurs droits inscrits sur le compte (art. L. 6323-45 C. trav.).
Coup de balai dans les organismes délivrant les formations
Pour être listé sur la plateforme dédiée « Mon compte formation », l'organisme de formation doit remplir des conditions devenues plus strictes. Il doit envoyer une demande à la CDC en charge de vérifier si les conditions d'accès sont bien remplies (art. L. 6323-9-1 C. trav.), à savoir :
- être déclaré et enregistré en tant qu'organisme de formation ;
- respecter les obligations liées à la qualité des personnels, à la comptabilité analytique ;
- proposer des actions de formation éligibles au CPF ;
- respecter les règles de droit fiscal et de sécurité sociale ;
- accepter les conditions générales d'utilisation de la plateforme.
À défaut, la CDC peut refuser à un prestataire de figurer dans la liste « Mon compte formation ». Ce refus s'étend également aux prestataires qui, bien que remplissant les conditions, ont déjà été épinglés pour fraude au CPF.
Un reste à charge pour les salariés
Le principe de la participation des salariés au financement de leur formation professionnelle lorsqu'ils utilisent le CPF a été acté par la loi de finance 2023. Le coût engagé par le salarié est proportionnel au coût de la formation, dans la limite d’un plafond, ou fixée à une somme forfaitaire (art. L. 6323-4 et L. 6323-7 C. trav.).
Ce reste à charge est systématique, peu importe les droits acquis sur le compte. Même si le CPF est bien rempli au point de pouvoir financer l'intégralité d'une formation, la participation du salarié s'impose.
En revanche, sont exonérés de ce financement les demandeurs d'emploi et les salariés bénéficiant d'un abondement de leur CPF par l'employeur.
Affaire à suivre…
L'avenir du CPF paraît incertain. L'entrée en vigueur du reste à charge pour le salarié sur le coût de la formation est subordonnée à la parution d'un décret. Devant la levée de boucliers contre cette mesure, notamment des syndicats mais pas seulement, le gouvernement ne semble pas pressé de s'en occuper. Quoi qu'il en soit, une entaille très profonde au droit à la formation des salariés est d'ores et déjà inscrite dans le Code du travail.