À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
CONTRAT DE TRAVAIL
CONTRAT DE TRAVAIL

Chauffeurs Uber : requalifications aux prud’hommes de Lyon

Publié le 6 mars 2023
Par
Le 20 janvier 2023, le conseil des prud'hommes de Lyon a requalifié les contrats de partenariat de 139 chauffeurs Uber en contrat de travail, en appliquant la jurisprudence de la Cour de Cassation. La plateforme, condamnée au versement de conséquentes indemnités, a déclaré faire appel.

Comme plus de 130 collègues, J.A., chauffeur de VTC (voiture de tourisme avec chauffeur), a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en janvier 2020 pour faire reconnaître sa qualité de salarié depuis ses premières courses, réalisées dès avril 2017 via la plateforme numérique Uber.

Le chauffeur demandait la requalification du « contrat de partenariat » conclu avec Uber BV (société néerlandaise) et Uber France SAS, en contrat de travail.

Avec à la clef, le versement d'une ribambelle d'indemnités liées à cette requalification : rappels de salaires pour heures supplémentaires, indemnités de congés payés, remboursement de cotisations sociales et de frais professionnels, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, travail dissimulé etc.

La défense de la plateforme

Les sociétés Uber, selon lesquelles l'affaire relevait du tribunal de commerce, ont cherché à démontrer que le demandeur échouait à renverser la présomption de non salariat attachée aux travailleurs des plateformes (art. L. 8221-6-1 C. trav.).

Elles ont en outre objecté que, depuis la jurisprudence de 2020 (voir ci-dessous) le fonctionnement de la plateforme avait évolué, et avancé nombre d'arguments, tels que :

– Uber n'agit pas en tant que donneur d'ordre, ne verse pas de « rémunération au sens salarial » ;

– les chauffeur VTC disposent d'une grande liberté incompatible avec le salariat ;

– la géolocalisation, inhérente au fonctionnement de l'application, n'est pas utilisée pour contrôler en temps réel l'activité des chauffeurs ;

– Uber ne met pas en place un service organisé et n'exerce aucun pouvoir disciplinaire, la déconnexion au bout de trois refus de courses étant automatique.

La décision du conseil de prud'hommes de Lyon…

Après s'être déclaré compétent, le conseil des prud'hommes de Lyon a toutefois requalifié la relation commerciale liant les protagonistes en contrat de travail dans une décision d'une soixantaine de pages.

Selon lui, le contrat de partenariat entre les parties était fictif, tout comme le statut d'indépendant du chauffeur. D'affirmer que les sociétés Uber se sont rendues coupables de fraude à la loi et de travail dissimulé.

Sont mis en exergue par le conseil des prud'hommes de Lyon le fait que :

– le système de géolocalisation permet à Uber « une surveillance constante en positionnant le chauffeur, l'utilisateur et la destination finale. »

– la déconnexion d'un chauffeur qui ne prendrait pas suffisamment de courses est une « sanction à caractère pécuniaire » qui encourage à accepter toutes les courses ;

– l'absence de choix des chauffeurs (courses, tarifs, conditions d'exercice de la prestation de transports) sont des indices de la mise en place d'un service de transport crée et entièrement organisé par Uber.

…dans la ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation

On n'en est effectivement pas aux prémices du positionnement des juges français sur ce qui constitue un contrat de travail, lequel dépend de l'existence d'un lien de subordination.

Celui-ci est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.  Sachant que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail (Cass. soc. 19 nov. 1996, n° 64-13187).

La Cour de cassation a déjà appliqué ce principe aux travailleurs des plateformes.

Dans un arrêt du 28 novembre 2018 d'abord, concernant les livreurs de repas de Take eat easy, plateforme qui a depuis disparue. En 2020 ensuite, dans une affaire concernant déjà la société Uber.

Dans un arrêt du 4 mars 2020, la haute juridiction avait déclaré le lien de subordination caractérisé et justifié sa décision par les éléments suivants : impossibilité pour le « travailleur indépendant » de créer sa propre clientèle, de fixer librement ses tarifs ou de déterminer les conditions d'exécution de sa prestation, lesquelles étaient entièrement régis par la société Uber. Et pouvoir de la plateforme d'éjecter temporairement ou définitivement le chauffeur après refus ou annulation de courses, ou comportement problématique.

Une note salée pour Uber

Le salaire de référence du chauffeur J.A. a été fixé par les juges à 3542 euros. Le montant total des sommes qu'Uber est condamné à lui verser s'élève à environ 160 000 euros.

D'où la somme avancée dans la presse de 17 à 20 millions d'euros pour les 139 chauffeurs concernés.

 

Voir aussi : J. Jardonnet « Quelle protection pour les travailleurs des plateformes », RPDS 2022 n° 932 p. 403.

Suivez la NVO sur FacebookTwitterInstagram