CDD dans les Ehpad : gare aux abus !
Il est interdit de recourir aux contrats à durée déterminée (CDD) pour pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente d'une entreprise. Cette règle, sanctionnée pénalement, s'applique à toutes les entreprises, y compris aux établissements de santé, et notamment aux Ehpad. Un principe que rappelle la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 8 juin 2021.
1 192 CDD conclus au sein d'une résidence… en trois ans !
En 2014, au sein de la résidence Saint-Charles, Ehpad situé à Sceaux (92), les délégués du personnel et l'union locale CGT tirent la sonnette d'alarme : pour avoir à disposition une main-d'œuvre flexible, la direction recrute en masse des salariés en CDD sur des postes théoriquement réservés aux CDI. L'inspection du travail diligente une enquête et dresse procès-verbal ; les CDD sont effectivement utilisés pour pallier des absences normales et prévisibles de salariés en CDI. Sur une période de trois ans, 322 CDD ont été conclus sur des postes d'aide-soignante et 870 CDD sur des postes d'agent de vie sociale… le tout représentant un quart des effectifs de la résidence.
Condamnation en correctionnelle
La société Medica France, qui gère l'Ehpad, est assignée devant le tribunal correctionnel avec, comme chef d'accusation, la « conclusion de contrat de travail à durée déterminée pour un emploi durable et habituel ». Pour se justifier, l'employeur invoque le volume d'équivalents temps plein préconisé par l'agence régionale de santé (ARS) dans le cadre d'une convention tripartite conclue avec le conseil départemental et l'Ehpad. Ces recommandations de l'ARS – fixant le nombre d'emplois subventionnés en fonction du nombre de lits –, étant respectées, il ne peut y avoir fraude à la législation sur les CDD.
Argument balayé par les juges : l'évaluation du nombre de CDI estimés nécessaires par l'ARS constitue un plancher et non un plafond. La société pouvait donc recruter davantage de personnel en CDI pour éviter le recours aux CDD. Ces contrats précaires étant utilisés pour couvrir durablement des besoins permanents en aides-soignants et agents de vie sociale au sein de l'Ehpad, l'infraction est bel et bien caractérisée. L'employeur est condamné à payer 18 500 euros d'amende et 2 500 euros à l'union locale CGT, en réparation du préjudice subi.