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Jeux olympiques 2024
Jeux olympiques 2024

Bénévolat pendant les Jeux olympiques : gare au salariat déguisé

Publié le 2 avril 2024
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Alors qu'un bénéfice de neuf milliards d'euros est attendu des JO, le gouvernement a choisi d'avoir recours à des bénévoles – souvent jeunes – pour les faire travailler entre huit et dix heures par jour, six jours sur sept durant quinze jours, et ce, sans rémunération. Entre bénévolat et salariat, la frontière est fine…

Le 5 février 2020, une charte de bénévolat destinée à encadrer les conditions dans lesquelles seront exercées les missions des volontaires recrutés pour les Jeux olympiques a été signée. Malgré son appellation, le texte révèlerait en réalité autant de choses qu'il n'en dissimule.

En effet, la « Charte du volontariat olympique et paralympique », publiée par le Comité des jeux olympiques (Cojo), est parsemée d'indices de subordination, élément central dans la relation de travail unissant le salarié à son employeur et, théoriquement, absent dans le cadre du bénévolat.

Qu'est-ce qui caractérise une relation de travail ?

Afin de mieux comprendre les enjeux soulevés par la situation, il est nécessaire d'effectuer un bref rappel des différentes notions juridiques impliquées.
Le contrat de travail est défini par la jurisprudence comme « une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération » (Cass. soc. 22 juillet 1954, Bull. civ. IV, no 576).

Trois critères permettent donc de caractériser le contrat de travail :
l'existence d'une prestation de travail : la nature de l'activité importe peu (celle-ci peut être manuelle, intellectuelle, artistique, etc.), mais la nécessité de son existence exclut les emplois fictifs ;

l'existence d'une rémunération : il importe peu que le salaire soit versé en espèces ou en nature. De même, la qualification donnée à la rémunération par les parties (rétribution, frais professionnels, primes, etc.) n'est pas prise en compte ;

l'existence d'un lien de subordination : lequel se caractérise par « l'exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Cass. soc. 13 nov. 1996, n° 94-13. 187).

Par opposition au salariat, le bénévolat se caractérise par l'absence de deux éléments :

– la perception de sommes excédant le strict remboursement des frais engagés par le bénévole ;
– le lien de subordination entre le bénévole et l'association.

Dans le cas où ces deux éléments seraient cumulativement réunis, le bénévolat est susceptible d'être requalifié en salariat.

Le bénévolat des JO, du salariat déguisé ?

À l'approche de l'évènement sportif, des abus dans le cadre du recours au bénévolat ont été dénoncés, notamment par le Syndicat national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (SNTEFP-CGT).
Et pour cause, si la charte emploie les termes de « bénévolat » et de « volontaires », le texte est loin d'être vierge de tout indice de salariat.

  • Indices d'un lien de subordination : le texte prévoit – de la même manière qu'un employeur dispose du pouvoir de donner des ordres à son salarié – les directives et principes que devront suivre et respecter les bénévoles.
    Il ajoute que leur non-respect justifiera la prise de « toute mesure adéquate, y compris, le cas échéant, retrait de la carte d'accréditation du vop [volontaire aux jeux olympiques et paralympiques,] », ce qui s'apparente clairement au pouvoir de sanction de l'employeur.
    En outre, la charte dispose que certains bénévoles seront placés « sous la supervision des équipes d'Oméga », (chronométreur officiel des JO et entreprise privée).

Directives à respecter, donneur d'ordres ayant un pouvoir de contrôle et de sanction… Autant d'indices permettant habituellement à la jurisprudence de qualifier le lien de subordination unissant un salarié à son employeur.

  • Rémunération : si cet élément est plus difficile à caractériser puisque le texte ne prévoit évidemment pas de « salaire » à proprement parler pour les bénévoles, il est néanmoins question de « prise en charge des frais de transport » et de « prise en charge des frais de repas ».

Or, si la Cour de cassation admet que le bénévole puisse effectivement percevoir une indemnisation pour le remboursement des frais qu'il engage (Cass. Soc., 29 janvier 2002, n° 99-42.697) cette prise en charge ne doit correspondre qu'au strict remboursement des frais exposés. Sinon, la somme versée est susceptible d'être analysée en une rémunération déguisée, et ce, même si les sommes perçues n'ont pas la valeur du salaire minimal.

Avec 45 000 bénévoles, il n'est pas certain que toutes les sommes versées correspondent exactement aux dépenses engagées par chacun d'eux…

Le travail gratuit au motif de l'olympisme ?

Finalement, la question est autant politique que juridique.

Si le bénévolat et les associations sportives ont toujours été une composante du paysage sportif – argument derrière lequel se retranchait l'année dernière Olivier Dussopt, ex-ministre du Travail, pour justifier le recours à cette main-d'œuvre gratuite –, les petits clubs amateurs de quartiers et un évènement professionnel interplanétaire n'ont de toute évidence rien en commun.

Est-il alors acceptable qu'une compétition internationale brassant des milliards d'euros – lesquels profiteront directement ou non aux multinationales soutenant l'évènement – s'abstienne de payer ceux qui travailleront pour la faire vivre ? La question reste ouverte.

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