Appeler une salariée « la libanaise » est discriminatoire
Des témoignages de collègues en attestent : une opératrice de vidéocodage était parfois désignée par sa supérieure hiérarchique comme « la libanaise », directement devant elle ou quand elle n'était pas là.
Le jour où la salariée est congédiée, elle attaque son employeur pour harcèlement et discrimination en raison de ses origines.
Discrimination = différence de traitement ?
L'opératrice est d'abord déboutée de ses demandes de dommages et intérêts. On lui reproche de ne pas démontrer que l'expression « la libanaise », aussi inappropriée soit-elle, ait entraîné une discrimination, c'est à dire, dixit les juges, « une différence de traitement entre elles et les autres salariés ».
Erreur : une discrimination se distingue justement de l'inégalité de traitement du fait qu'elle peut être identifiée sans qu'il soit nécessaire de faire une comparaison entre plusieurs salariés.
Un principe affirmé de longue date par la Cour de cassation, par exemple au sujet d'un ralentissement de carrière dont l'existence ne nécessite pas d'éléments de comparaison avec d'autres salariés de statut identique (Cass. soc. 10 nov. 2009, n° 07-42.849).
Discrimination en raison de l'origine
Les propos de la supérieure hiérarchique laissaient supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'origine. En application de l'article L. 1134-1 du Code du travail, qui partage la charge de la preuve entre le salarié et l'employeur, il revenait donc à ce dernier de prouver qu'il n'y en avait pas (Cass. soc. 20 sept. 2023, n° 22-16.130).
Dans la décision sont également cités l'article 1132-1 du Code du travail, qui interdit tout agissement discriminatoire en raison notamment de l'origine, ainsi que l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, qui intégrait des règles du droit communautaire portant sur la discrimination.
Cette dernière référence permet de souligner qu'appeler un salarié non pas par son prénom ou son nom, mais par ses origines, risque « de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
Un autre motif de discrimination : la situation de famille Dans une décision du 23 juin 2023 (n° 2023-0001), la Défenseure des droits épingle Leroy-Merlin, grande enseigne du bricolage, responsable d'une discrimination sur la situation de famille à l'encontre d'un couple de salariés hommes travaillant dans le même rayon. Suite à une déclaration des contacts de l'un des salariés, atteint par le Covid, l'entreprise avait pris conscience des liens qu'il entretenait avec un autre salarié en CDD. À la fin de leur isolement, leur planning avait changé et ils n'avaient plus de jour de repos commun. La suite n'a pas été heureuse : arrêt maladie, demande vaine de mutation ou de rupture conventionnelle puis licenciement pour l'un, non renouvellement du CDD pour l'autre. La Défenseure des droits rappelle la définition de la discrimination sur la situation de famille, les moments auxquels elle peut se manifester et les textes l'interdisant. Sa décision détaille les actions engagées envers l'entreprise, arc-boutée sur ses usages et pratiques consistant à ne pas faire travailler au service client deux personnes en couple. La Défenseure des droits affirme l'existence de la discrimination et recommande à la société, notamment, de se rapprocher des victimes pour procéder à une juste réparation de leur préjudice et de sensibiliser l'ensemble des responsables à la non-discrimination. Voir M. Carles « Saisir le Défenseur des droits », RPDS 2023, n° 939, p. 241. |
Pour en savoir plus : « La lutte contre les discriminations », RPDS 2021, n° 916-917.