Aide juridictionnelle : les travailleurs sans-papiers y ont droit aussi !
Il était temps ! Par décision du 28 mai 2024, le Conseil constitutionnel reconnaît aux travailleurs en situation irrégulière sur le territoire français le droit à l'aide juridictionnelle. Retour sur une victoire gagnée de haute lutte.
Une injustice flagrante …
L'aide juridictionnelle permet aux personnes dont les revenus ne dépassent pas un certain plafond d'obtenir une prise en charge de leurs frais de justice par l'Etat. Cette prise en charge étant directe, nul besoin de faire l'avance des frais d'avocat, d'huissier, d'expertise, etc.
Jusqu'en mai 2024, la loi imposait aux justiciables d'être en situation régulière sur le sol français pour bénéficier de cette aide. L'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 était ainsi rédigé : « Sont admises au bénéfice de l’aide juridictionnelle les personnes physiques de nationalité française et les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne. Les personnes de nationalité étrangère résidant habituellement et régulièrement en France sont également admises au bénéfice de l’aide juridictionnelle. »
En application de ce texte, les travailleuses et travailleurs sans-papiers ont été privés de l'aide juridictionnelle durant de longues années. En dépit de leur surexposition aux mauvais traitements d'employeurs sans scrupules, il leur était impossible de faire valoir leurs droits sauf à disposer de revenus suffisants pour se payer un avocat. La loi de 1991 pouvait-elle exclure ces travailleurs du dispositif et créer ainsi une différence de traitement avec les salariés en situation régulière ? Estimant qu'une telle situation était contraire au principe fondamental d'égalité devant la justice, plusieurs associations et syndicats, dont la CGT, ont saisi le Conseil constitutionnel. Et c'est un succès !
… déclarée contraire à la Constitution
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel rappelle que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » (art. 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789). Or ce principe n'était pas respecté par la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle, qui a bel et bien instauré une différence de traitement entre les justiciables selon leurs conditions de résidence sur le territoire français (régulière ou irrégulière). Et le Conseil constitutionnel d'enfoncer le clou : « si le législateur peut prendre des dispositions spécifiques à l'égard des étrangers, en tenant compte notamment de la régularité de leur séjour, c'est à la condition de respecter les droits et libertés garantis par la Constitution reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République et, en particulier, pour se conformer au principe d'égalité devant la justice, d'assurer des garanties égales à tous les justiciables ». La violation du principe d'égalité devant la justice implique donc de modifier l'article 3 de la loi de 1991 pour le rendre conforme à la Constitution.
C'est désormais chose faite. Depuis le 28 mai 2024, date de publication de la décision du Conseil, les travailleurs et travailleuses sans-papiers peuvent enfin recourir – sous condition de ressources – gratuitement aux services d'un(e) avocat(e) pour faire valoir leurs droits.
Rappel Les trois conditions à remplir pour bénéficier de l'aide juridictionnelle
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Pour en savoir plus
Communiqué de presse du Conseil constitutionnel
Sur les conditions de ressources, Qui peut bénéficier de l'aide juridictionnelle en 2024 ?