Accords collectifs : le droit d'opposition syndicale
Alors que l'opposition syndicale, qui permet de faire obstacle
à l'entrée en vigueur d'un accord collectif, a été généralisée, force est de constater
que le Code du travail est resté laconique quant à ses modalités concrètes d'exercice.
Il faut donc se féliciter des précisions récentes de la Cour de cassation, données dans
le contexte polémique du travail de nuit.
La validité d'un accord collectif est subordonnée à sa signature par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli 30 % des voix aux élections et, d'autre part, à l'absence de l'opposition des syndicats représentatifs réunissant la moitié des suffrages (Art. L. 2232-2, L. 2232-6 et L. 2232-12
du Code du travail. La signature de l'accord collectif en cause est antérieure à la loi du 20 août 2008, et les conditions de validité des accords étaient différentes. Mais les règles relatives à la mise en œuvre de l'opposition étaient les mêmes, si bien que la solution du litige est applicable à tous les accords signés depuis).
La mise en œuvre du droit d'opposition devrait pouvoir se faire dans une certaine « sécurité juridique » pour les syndicats. Or, l'article L. 2231-8 du Code du travail – ex-L. 132-2-2 du Code du travail, qui imposait les mêmes modalités d'exercice de l'opposition – ne donne que peu de détails.
Concernant la notification de l'opposition, qui doit intervenir dans un délai de huit jours pour les accords d'entreprise et de quinze jours pour les accords interprofessionnels ou professionnels, la loi précise uniquement que « cette opposition est notifiée aux signataires ». Rien de concret sur les moyens (courrier simple ? recommandé AR ?) ou les destinataires de la notification.
Notification « non régulière »
Le litige dont il est ici question est relatif à un accord collectif sur le travail de nuit conclu dans l'unité économique et sociale (UES) Monoprix en 2006 et complété par un avenant en 2009. L'accord de 2006 est signé par deux déléguées CFDT et une déléguée CFTC, mais la CGT, alors majoritaire, fait opposition dans les délais requis (le syndicat fait également opposition à l'entrée en vigueur de l'avenant). Une opposition qui, de toute évidence, gêne les sociétés composant l'UES qui décident de ne pas la reconnaître. Ce qui oblige la CGT à assigner Monoprix devant le TGI pour faire constater que ces accords frappés d'opposition sont nuls et de nul effet.
Déboutée en appel en 2013, la société Monoprix se pourvoit en cassation sur un seul argument : l'opposition n'est pas régulière car preuve n'est pas rapportée qu'elle a été notifiée à toutes les déléguées signataires, la CGT n'ayant pu produire de justificatifs pour l'une des déléguées CFDT.
Opposition validée
L'entêtement procédural de Monoprix n'aura pas été payant, puisque l'opposition a été validée. Et si, sur le fond, la démarche de la CGT vise à lutter contre la banalisation du travail de nuit dans le commerce (voir aussi le communiqué de la CGT commerce en date du 11 juillet 2014 sur son site : www.commerce.cgt.fr), l'arrêt de rejet porte sur un aspect purement technique de la procédure du droit d'opposition. C'est une décision de bon sens.
Selon la Cour de cassation, il résulte en effet de l'article L. 2231-8 du Code du travail que l'opposition à un accord collectif, pour être régulière, doit être notifiée aux signataires de cet accord, donc à chacune des organisations syndicales ayant signé l'accord. La notification est régulière dès lors qu'elle est adressée, dans les délais, soit à l'un des délégués syndicaux ayant représenté le syndicat signataire à la négociation de l'accord, soit directement à l'organisation syndicale représentative l'ayant désigné (Cass. soc. 8 juillet 2014, n° 13-18390 P,
UES Monoprix c/Fédération CGT commerce, distribution, services).
Autrement dit, il suffit que l'opposition parvienne, outre l'employeur bien sûr, à chacune des organisations syndicales signataires. Le courrier ne doit pas être personnellement adressé au délégué qui a signé à l'issue des pourparlers, ni l'être aux deux délégués syndicaux représentant la même organisation. Le cas échéant, il suffit que l'un des deux soit informé.
La Cour ne précise pas la forme concrète que doit prendre la notification. L'opposition, écrite et motivée, peut, semble-t-il, être notifiée par un pli remis en main propre contre décharge, ce qui permet parfois de gagner du temps, ou par un courrier postal. Dans ce cas, le recommandé avec accusé de réception reste le moyen de preuve le plus sûr.
Ainsi l'accord sur le travail de nuit et son avenant sont réputés non écrits. Reste que leurs dispositions ont été appliquées pendant un certain temps. Les précisions de la Cour de cassation permettront d'éviter, du moins sur le point de la notification, ce type de situation.
Zoom
Quelle majorité pour l'opposition ?
Les syndicats majoritaires ont donc la faculté de s'opposer à l'entrée en vigueur d'un accord. Mais de quelle majorité s'agit-il ? Palliant l'imprécision de l'article L. 2232-12, la Cour de cassation affirme que le terme de « majorité » se suffit à lui-même et implique « au moins la moitié des voix plus une » (Cass. soc. 10 juillet 2013, n° 12-16210 P).
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