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Contrat de travail - La requalification des précaires

Publié le 28 novembre 2016
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La proportion d'embauches en contrats précaires s'est envolée avec la crise, passant d'une moyenne de 72 % dans les années 2000 à 78 % en 2009, 80 % en 2012, pour atteindre 83 % en 2013. Pour autant, nombre de ces contrats sont illégaux, ce qui permet au salarié d'obtenir la requalification en CDI. Explications.

Après une requalification, 
le salarié doit obtenir le règlement 
des arriérés 
de salaires et 
des droits divers qui en découlent

À l'origine créé pour faire face à des situations particulières et temporaires (accroissement d'activité de l'entreprise, remplacements de salariés absents, etc.), le contrat précaire est aujourd'hui utilisé massivement et de façon permanente par beaucoup d'employeurs.
Les recours abusifs aux contrats précaires sont souvent des manœuvres qui ont pour but de contourner certaines dispositions protectrices, notamment en matière de licenciement. C'est aussi un moyen de prolonger la durée légale d'essai qui s'est peu à peu généralisé.

Pour sanctionner ces abus, le législateur permet au salarié qui en est victime (et aux organisations syndicales) d'agir devant le juge prud'homal pour faire requalifier ces contrats en CDI.

Contrat de travail à durée déterminée
Règles de fond : le contrat à durée indéterminée (CDI) est la forme normale du contrat de travail. Le recours aux contrats précaires (CDD ou CTT) est strictement encadré par la loi. Ces derniers doivent demeurer exceptionnels et ne peuvent, quels que soient leurs motifs, avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. D'une manière générale, ces contrats doivent être conclus strictement pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, dans des cas bien déterminés, et pour des durées variant selon les motifs de recours. Ils sont par ailleurs interdits dans certains cas.
Règles de forme : pour limiter et contrôler les recours aux CDD, le législateur conditionne leur validité par l'exigence d'un formalisme particulier. La plupart des manquements à ces règles de forme sont sanctionnés par la requalification de ces contrats en CDI.
Ainsi, tout CDD doit être établi par écrit. À défaut, il est réputé conclu à durée indéterminée. Il s'agit là d'une présomption irréfragable qui ne permet pas à l'employeur de prouver le contraire. De plus, le CDD doit impérativement être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours suivant son embauche. La transmission tardive du contrat pour signature équivaut selon les juges à une absence d'écrit qui entraîne la requalification du contrat en CDI.

Contrat de travail temporaire
La particularité du contrat de travail temporaire, c'est qu'il repose sur une relation triangulaire : d'une part, l'intérimaire est lié à l'entreprise de travail temporaire (ETT) par son contrat de mission et rémunéré par elle, et, d'autre part, il exécute son travail au sein de l'entreprise utilisatrice (EU). La question est de savoir dans quels cas et contre qui doit être dirigée l'action en requalification. Les ­actions en requalification peuvent être exercées concurremment, l'une contre l'ETT, l'autre contre l'EU, si elles ont des fondements différents (Cass. soc. 24 avril 2013, n° 12-11793 P, société Helio Corbeil Quebecor). La Cour de cassation prône la responsabilité solidaire entre l'ETT et l'EU en matière de prévention des risques, vis-à-vis des salariés mis à disposition, et de l'obligation de sécurité de résultat qu'elles doivent assurer, chacune au regard des obligations qui sont à leur charge (Cass. soc. 4 déc. 2013, n° 11-28314 P, sociétés Adecco et Helio Corbeil). Il est donc dans l'intérêt du salarié d'agir contre l'ETT et l'EU afin de les faire condamner solidairement à requalifier sa situation de travail en CDI chaque fois que cela est possible.
En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

Conséquences de la requalification
Après une action en requalification, les travailleurs en CDD sont réputés avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de leur première embauche au sein de l'entreprise sanctionnée (Cass. soc. 6 nov. 2013, n° 12-15953 P, La Poste). Par conséquent, ils doivent obtenir la reconstitution de leur carrière et la régularisation de leur rémunération. De même, en matière de CTT, le travailleur temporaire peut, après requalification, faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits afférents à un CDI prenant effet au premier jour de sa mission. Dans ce cas, il doit obtenir le règlement des arriérés de salaires et des droits divers qui en découlent. Et l'entreprise utilisatrice doit procéder à la régularisation de l'ensemble de ses fiches de paie.
En outre, qu'il s'agisse d'un CDD ou d'un CTT, le salarié a droit à une indemnité de requalification (Cass. soc. 19 fév. 2014, n° 12-24929 P, société Kuhn MGM). Enfin, sa situation au regard de l'entreprise sanctionnée diffère selon qu'il est encore présent ou non après l'action en requalification.
Lorsque le salarié n'est plus présent dans l'entreprise, il est difficile d'obtenir sa réintégration. À défaut de violation d'une liberté fondamentale, le salarié sera considéré licencié. Mais a priori, l'employeur n'ayant pas respecté la procédure de licenciement, ni fourni de motifs écrits dans une lettre de licenciement, le licenciement sera reconnu irrégulier en la forme et dépourvu de cause réelle et sérieuse (art. L. 1235-2 et suivants du Code du travail).
Dans ce cas, le salarié recevra également, en plus des indemnités de précarité qui ont déjà été versées et qu'il a le droit de conserver, les indemnités suivantes :
=> une indemnité unique de requalification, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ;
=> l'indemnité de congés payés si ceux-ci n'ont pas été déjà pris ou payés (art. L. 3141-22 et suivants du Code du travail) ;
=> l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés sur préavis (
art. L. 1234-1 du Code du travail) ;
=> l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement s'il remplit les conditions d'ancienneté (
art. L. 1234-9 du Code du travail) ;
=> l'indemnité pour licenciement abusif ou sans cause réelle ni sérieuse (art. L. 1235-3 et L. 1235-4 du Code du travail).

À noter : il faut savoir qu'en cas de requalification de CDD successifs en un CDI, l'article L. 1235-4 du Code du travail ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois. Mais en aucun cas Pôle emploi ne peut se retourner contre le salarié pour exiger le remboursement d'un trop-perçu au niveau des indemnités de chômage allouées.

Rôle du juge des référés
Il est possible de saisir le juge des référés en même temps que le bureau de jugement pour lui demander, afin de prévenir un dommage imminent (
art. R. 1455-6 et R. 1455-7 du Code du travail), d'empêcher l'employeur de mettre un terme à la relation de travail, du moins le temps que le juge du fond ne se prononce sur l'action principale de requalification. Certains conseils de prud'hommes en référé ont, pour faire cesser le trouble manifestement illicite constitué par le recours abusif aux contrats précaires, prononcé directement la requalification en CDI à titre provisoire. Cette articulation entre les deux procédures demeure en l'état actuel un des moyens les plus efficaces pour le salarié d'obtenir une réelle satisfaction de ses droits (Référé CPH d'Annemasse, 9 août 2012, 
c/EARL La framboiseraie, voir Droit ouvrier janvier 2013, p. 44). De même, l'atteinte à la liberté fondamentale d'agir en justice constitue un trouble manifestement illicite qu'il incombe au juge des référés de faire cesser en ordonnant la réintégration (Référé CPH de Meaux, départage 17 mai 2013, c/SNCF, voir Droit ouvrier août 2013, p. 547). Et le juge des référés est compétent pour ordonner la poursuite des relations contractuelles en cas de violation d'une liberté fondamentale par l'employeur. Ainsi, lorsque la rupture illicite d'un CDD avant l'échéance du terme est intervenue en dehors des cas prévus par l'article L. 1243-1 du Code du travail et fait suite à l'action en justice engagée par le salarié contre son employeur, il appartient à ce dernier d'établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit d'agir en justice (Cass. soc. 6 fév. 2013, n° 11-11740 P, société France Télécom). Enfin, rappelons aussi que, en cas de litige sur le motif du recours à un CDD, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

Rôle des organisations syndicales lors du procès
Les organisations syndicales peuvent librement représenter ou assister les salariés qui agissent en requalification contre leur employeur devant le conseil de prud'hommes (
art. R. 1453-2 du Code du travail).
À côté de ces pouvoirs classiques, les syndicats peuvent aussi agir pour le compte et au nom des salariés. Ce droit de substitution leur est reconnu spécialement par le Code du travail en raison de la fragilité de la situation des travailleurs concernés (
art. L. 1247-1 et L. 1251-59 du Code du travail). Ils peuvent donc exercer en justice toutes actions en matière de requalification pour un salarié sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé. Celui-ci doit simplement avoir été averti (par lettre recommandée avec accusé de réception) et ne pas s'y être opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention. Le salarié peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment. L'opposition d'un salarié à ce qu'une organisation syndicale exerce, en vertu de l'article L. 1247-1 du Code du travail, une action de substitution, ne saurait valoir renonciation de ce salarié au droit d'intenter l'action personnelle dont il est titulaire pour obtenir la requalification de ses CDD en un CDI, la règle de l'unicité de l'instance ne pouvant être opposée à l'intéressé alors qu'il n'a pas été partie à la première instance. Par ailleurs, cette jurisprudence précise que le désistement par le syndicat de l'action en substitution ne fait pas obstacle à ce que, dans le cadre de l'instance engagée postérieurement par le salarié afin d'obtenir la requalification de ses CDD en un CDI, le syndicat puisse demander réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession.
Qu'elles assistent un salarié qui agit directement ou qu'elles s'y substituent, les organisations syndicales peuvent toujours intervenir dans chaque instance relative à une requalification pour faire valoir les droits relatifs aux intérêts collectifs de la profession qu'elles représentent (
art. L. 2132-3 du Code du travail).
Ainsi, en se portant partie intervenante dans chacune de ces instances, les organisations syndicales peuvent demander des dommages et intérêts en raison de ces recours abusifs aux contrats précaires, indépendamment des préjudices subis par chaque salarié qui en est victime. nx

Pour en savoir plus :

Un dossier complet de 24 pagesest publié

dans la RPDS n° 831 de juillet 2014

Prud'hommes et requalification en CDI

Une procédure d'exception
La procédure prud'homale pour requalifier un CDD (ou CTT) en CDI est une procédure d'exception dans le sens où l'affaire est portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine, sans phase de conciliation préalable (
art. L. 1245-2 et L. 1251-41 du Code du travail). Le bureau de jugement est directement saisi pour :
=> statuer en urgence,
=> analyser la relation de travail à durée déterminée et déclarer celle-ci illicite en raison des faits constatés, comme la violation d'un certain nombre de dispositions légales,
=> requalifier ce contrat précaire en relation de travail à durée indéterminée avec toutes conséquences qui en découlent (transformation automatique de la nature du contrat de travail et indemnisation du salarié dont le contrat est requalifié en CDI).
La dispense du préliminaire de conciliation s'étend à toutes les autres demandes connexes et consécutives (au titre de la règle de l'unicité de l'instance) et notamment à celles qui tendent au paiement des différentes indemnités relatives à la requalification de la rupture du contrat de travail.
La décision du conseil de prud'hommes est exécutoire de droit à titre provisoire. Cela signifie que l'employeur devra se soumettre et exécuter cette décision de justice même s'il décide d'interjeter appel du jugement rendu (articles
R. 1245-1 et D. 1251-3 du Code du travail).

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