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COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE

Veolia-Suez : Les représentants du personnel de Suez ont leur mot à dire

Publié le 8 mars 2021
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Veolia-Suez : Les représentants du personnel de Suez ont leur mot à dire

Les tribunaux ont suspendu l’opération de rachat de Suez par Veolia jusqu’à ce que soit mis en œuvre le processus d’information-consultation des représentants du personnel de Suez. Une affaire complexe, riche d'enseignements sur le plan juridique pour tous les représentants du personnel.

Les grands principes qui régissent l'information-consultation du comité social et économique ne peuvent pas être contournés aussi aisément. L'affaire Veolia-Suez, qui a donné successivement lieu à un jugement du tribunal judiciaire et à un arrêt de la cour d'appel de Paris, est à cet égard riche d'enseignements.

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Un rachat d'actions préfigurant une offre publique d'acquisition

La société Veolia avait annoncé dans la presse avoir proposé à la société Engie d'acquérir 29,9 % des actions qu'elle détenait dans Suez. Si Engie acceptait l'offre, Veolia avait l'intention de déposer une offre publique d'acquisition (OPA) sur le restant du capital de Suez. De facto, cette opération de rachat d'actions constituait une prise de participation de Veolia dans Suez, entraînant le démantèlement du groupe par la cession programmée des activités de distribution et de traitement des eaux à un fonds d'investissement nommé Meridiam. Parallèlement à l'hostilité des dirigeants de Suez au projet, plusieurs CSE d'établissement et le CSE central de l'UES Suez ont saisi la justice estimant devoir être informés et consultés préalablement à la mise en oeuvre de ce qu'ils estimaient être « un projet suffisamment abouti ».

Pour s'opposer à l'information-consultation immédiate des représentants du personnel de Suez, Veolia considérait que l'on était en présence d'une OPA, et que dans ce cas, des textes particuliers du Code du travail régissent l'information-consultation des CSE, tant de l'entreprise cible de l'OPA, que celui de l'entreprise, auteure de l'offre (Art. L. 2312-42 et suiv. du C. trav.). Selon Veolia, la procédure réclamée par le CSE de l'entreprise cible ne devait donc commencer qu'une fois l'OPA déposée en bonne et due forme, et non alors qu'elle en était au stade de projet. Les CSE de Suez seraient informés et consultés en temps utile, leur propre employeur n'était débiteur, pour l'heure, d'aucune obligation de consultation à leur égard.

Par ailleurs, pour évincer le droit à consultation des CSE de Suez, Veolia considérait que, depuis les ordonnances Macron, le Code du travail ne comporte plus aucune obligation d'informer et de consulter le CSE en cas de cession de titres sociaux (prise de participation, cession de contrôle, etc.). Seul l'ancien article L. 2323-33 prévoyait que l'ex-comité d'entreprise était informé d’une prise de participation dont son entreprise était l’objet.

Un rachat d'action qui, par ricochet, impose la consultation des CSE de Suez

Mais les apparences sont trompeuses. Les juges ont ordonné aux directions des sociétés Veo­lia et Engie de fournir à Suez les informations lui permettant de mener jusqu'à son terme une procédure de consultation de ses représentants du personnel sur le projet de prise de contrôle du capital de Suez et ses conséquences sociales. Ils se sont appuyés sur l'article L. 2312-8 du Code du travail selon lequel le comité doit être informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise.

Selon les juges, en l'absence de textes précis du Code du travail concernant les cessions de titres et les prises de participation, la question relève des principes généraux et intéresse la marche générale de l'entreprise Suez. C'est surtout au regard des effets de cette cession que la consultation s'impose. Le projet de rachat des parts de Suez détenues par Engie n'étant qu'une première étape au dépôt d'une OPA sur Suez, ces deux opérations poursuivent une même finalité. Il ne s'agit pas à ce stade d'une opération relevant d'un régime particulier, mais, modifiant l'organisation économique ou juridique de l'entreprise Suez, elle est susceptible d'avoir des conséquences sur le volume ou la structure de ses effectifs. Il en est ainsi, même si le projet n'émane pas de l'employeur du comité qui demande à être consulté, mais d'une entreprise tierce (TJ Paris, 9 oct. 2020, n° 20/56077, CSE de L'UES Suez et a. c/ SA SUEZ et Appel Paris, pôle 6, ch. 2, 19 nov. 2020, no 20/06549, SA Veolia environnement c/ CSE de L'UES Suez).

La solution novatrice retenue par les juges permet ainsi de préserver en amont les prérogatives des CSE de Suez. La transmission d'informations sur ce qui constitue la première étape d'un projet global permettra aux élus de mesurer les incidences potentielles du projet de Veolia en matière économique, sociale et de santé au travail.

Sur le plan pratique les conséquences sont les suivantes :– Veolia doit communiquer aux dirigeants de Suez les éléments d'information qui seront transmises ensuite aux représentants du personnel ;– si les élus constatent que les informations fournies sont insuffisantes, ils devront s'adresser à leur employeur Suez pour qu'il mette à disposition d'autres informations ; à Suez de s'adresser à Veolia et Engie pour les obtenir ; à défaut, le CSE peut s'adresser au juge pour qu'il condamne l'employeur à fournir les informations manquantes (art. L. 2312-15 et L. 2312-16 du C. trav.), au besoin en faisant injonction à Suez de les récupérer auprès de Veolia et Engie ;– si Veolia et Engie ne fournissent pas les informations réclamées par Suez, elles pourraient être poursuivies pour délit d'entrave (art. L. 2317-1 du C. trav.).

Depuis ces deux décisions, Veolia a contre-attaqué en saisissant au fond (et non en référé) le tribunal judiciaire de Nanterre (où se situe le siège de Suez). Elle a parallèlement formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 novembre 2020 redu en référé.

Elle a demandé au juge de Nanterre la suspension de la décision ayant interrompu, tant que les CSE ne seraient pas informés et consultés, l’opération résultant de l’offre d’acquisition par Veolia des actions de Suez. Par suite, elle a demandé de l'autoriser à recouvrer pleinement ses droits d’actionnaire de Suez à la suite de l’acquisition de 29,9 % des actions de la société Suez SA et poursuivre la mise en oeuvre de l'OPA envisagée sur le capital de la société Suez SA.

Le tribunal judiciaire de Nanterre a estimé que « la seule acquisition des actions auprès d’Engie et la proposition d’OPA transmise au conseil d’administration de Suez ne donnent pas de pouvoir de décision à Veolia au sein de l’entreprise Suez ».

Autrement dit, Veolia ne devient pas par ce seul fait actionnaire majoritaire et ne contrôle pas Suez. Il en résulte, toujours selon le juge de Nanterre, que « les conditions relatives à l’information-consultation obligatoire ne sont pas réunies actuellement ».

Il est donc fait droit à la demande de Veolia, selon laquelle les institutions représentatives du personnel de Suez n’ont pas être consultées à ce stade (TJ Nanterre, Pôle social, 3 Févr. 2021, n° RG 20/09953, S.A. VEOLIA Environnement c/ S.A. SUEZ et autres).

Un appel a été interjeté contre cette décision. Mais celle-ci a pour effet de neutraliser le droit des instances représentatives de Suez d'être à ce stade consultées sur l'opération, contrairement à ce qu'a jugé la cour d'appel de Paris dont l'arrêt rendu en référé n'a pas autorité de la chose jugée.

Il est toutefois regrettable que les juges aient justifié l'absence de prise en compte de l'avis des salariés pour seulement 0,1 % du capital de SUEZ non détenu par Veolia alors qu'ils sont les premiers concernés par un changement d'actionnaire.

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