Les retraites après la loi du 14 avril 2023
Adoptée au mépris d'un mouvement social unitaire puissant d'une durée sans précédent et grâce à un coup de force anti-démocratique du gouvernement au Parlement, la loi du 14 août 2023 portant réforme des retraites est applicable depuis le 1er septembre.
L'analyse du texte ne fait que confirmer ce que l'intersyndicale a dénoncé au cours du processus législatif. Le poids du financement de la réforme repose sur les assurés sociaux, soit parce qu'ils travailleront davantage, soit parce que leur pension baissera, soit un mélange des deux.
En effet, le recul de l'âge de la retraite de 62 à 64 ans ainsi que l'accélération de l'allongement de la durée de cotisation jusqu'à 172 trimestres, condamnent les intéressés à travailler plus longtemps ou à voir leur pension réduite. Le minimum de pension annoncé de 1 200 euros par mois restera un mirage pour tous ceux qui n'auront pas une carrière complète. Les salariés « carrières longues » qui ont commencé à travailler tôt sont également affectés par le recul de l'âge légal et certains seront donc contraints de partir plus tard pour accéder à la retraite. La loi continue à ne prendre en compte que l'incapacité pour accorder un départ anticipé. Et les mesures prises pour lutter contre la pénibilité au travail sont loin d'être à la hauteur des enjeux : une situation plus que problématique alors que la pénibilité des métiers affecte durablement les carrières et détériore les conditions d'emploi.
Le régime par répartition est fragilisé car, face à la baisse programmée des pensions, les assurés sont incités en pratique à souscrire des contrats par capitalisation, pour tenter d'obtenir des compléments à leur faible niveau de retraite.
Pour autant, ce qui peut apparaître comme une défaite pour le mouvement syndical ne peut se résumer à cela. Celui-ci a retrouvé une crédibilité par son unité et sa détermination face à l'autoritarisme gouvernemental. Il s'agit plutôt d'une victoire à la Pyrrhus pour le gouvernement, qui en sort affaibli et décrédibilisé dans son action politique. En conséquence, la page des retraites n'est pas tournée.
Dans la période qui s'ouvre, un certain nombre de points d'appui peuvent être utilisés pour compenser, en attendant mieux, les deux ans de vie que la loi a volés. Ainsi, il existe des leviers d'action dans le cadre des négociations à venir. Celle sur les retraites complémentaires du privé (Agirc-Arrco) peut être l'occasion pour les syndicats d'obtenir le relèvement du niveau de ces pensions qui représentent 20 % à 50 % de la retraites des intéressés. Il est également urgent d'agir pour des dispositions interprofessionnelles contraignantes afin de garantir la prise en compte réelle de la pénibilité.
Quant au gouvernement, si prompt à déplorer le chômage des seniors, on attend qu'il impose des mesures qui dissuadent les entreprises de se séparer des travailleurs de 55 ans et plus. Et ce n'est pas un index qui suffira. Enfin, si de nouvelles propositions de loi d'abrogation pourront le cas échéant être déposées, nous ne saurions trop conseiller au président de la République, qui semble vouloir relancer la pratique du référendum, d'en organiser un pour vérifier que sa loi adoptée à la hussarde est en adéquation avec la volonté majoritaire de la population. Quoi qu'il en soit, fidèle à sa tradition, la RPDS se doit de donner des explications que nous espérons les plus claires possibles. Ainsi chacun sera pleinement convaincu, si ce n'était déjà le cas, de l'ampleur du recul social et pourra, le cas échéant, faire certains choix.
Sommaire du numéro spécial de la RPDS sur les retraites après la loi du 14 avril 2023
- La retraite des salariés
- Les départs anticipés en retraite
- Les retraites dans la fonction publique
- La retraite progressive et le cumul emploi-retraite
- L'assurance vieillesse spécifique des aidants
- Agir contre la pénibilité au travail