Le barème Macron, bilan et perspectives
Il y a tout juste un an, la Cour de cassation se prononçait sur un combat judiciaire qui secoue les tribunaux depuis maintenant six ans : le barème, dit Macron, plafonnant les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est-il conforme au droit européen et international, qui prévoit que le salarié bénéficie d'une réparation appropriée ?
Douche froide pour les salariés, la chambre sociale de la Cour de cassation répond par l'affirmative dans une formule particulièrement surprenante. Depuis, certains se félicitent qu'enfin on puisse tourner la page, les employeurs pouvant licencier abusivement en toute sécurité. Mais d'autres ne comptent pas en rester là et continuent le combat. Plusieurs conseils de prud'hommes et cours d'appel persistent à juger le barème non conforme au droit européen et international et l'écartent au profit d'une indemnisation établie en fonction de la fameuse appréciation in concreto du préjudice subi par le salarié (c'est-à-dire en fonction de sa situation personnelle et professionnelle concrète). L'espoir est d'aboutir à un revirement de jurisprudence, qui pourrait venir de l'assemblée plénière de la Cour de cassation prenant enfin la mesure du désordre provoqué par le barème.
On peut effectivement parler de désordre quand le Comité européen des droits sociaux (CEDS) s'est déjà prononcé à trois reprises pour rappeler à la France que l'application de la Charte sociale européenne dans les tribunaux français n'est pas en option. Désordre encore, quand l'Organisation internationale du travail demande, sans succès, au gouvernement français que soit dressé un bilan de l'application du barème afin de s'assurer qu'il permet le respect effectif des conventions internationales. Désordre enfin, quand d'autres cours suprêmes, à l'instar du Conseil d'État ou de la Cour européenne des droits de l'Homme, pourraient contredire la position saugrenue de la Cour de cassation. La boîte de Pandore n'a-t-elle pas été ouverte ?
Alors que les salariés cherchent vaillamment la parade pour voir, malgré tout, réparer les torts causés par leurs employeurs, ces derniers ne se contentent pas de la victoire du plafonnement des indemnités et s'attaquent désormais à la légitimité même de la réparation du préjudice lié à la perte d'emploi. La bataille autour du préjudice causé par un licenciement abusif ne fait que commencer ! Difficile de s'y retrouver dans cette saga au long cours. C'est pourquoi nous avons souhaité clarifier les positions des différents acteurs et leurs fondements juridiques.
Ceci pour contribuer à la stratégie de défense des salariés, qu'il s'agisse de poursuivre la résistance au barème ou de le dépasser par la mobilisation d'autres outils juridiques. L'enjeu n'est pas mince. Bien sûr, pour les nombreux salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse chaque année, dont beaucoup maintenant ne saisissent même plus la justice tant ils ont perdu l'espoir de voir leur préjudice réparé. Mais aussi, pour l'ensemble des salariés car les conditions de rupture du contrat de travail influent sur la relation de travail elle-même. Pour que le salarié ne soit ni jetable, ni taillable et corvéable à merci, pour que le patron ne se sente plus en sécurité quand il viole la loi, continuons le combat !
– Des pistes pour échapper au barème, par Mélanie Carles
– Le droit du licenciement fragilisé, c’est tout le droit du travail qui vacille, Entretien avec Dominique Holle, président de conseil de prud'hommes, et Isabelle Taraud, avocate, par Claire Blondet