La faute inexcusable de l’employeur
La loi du 9 avril 1898 concernant les responsabilités dans les accidents du travail a instauré le principe d'une responsabilité sans faute et forfaitaire de l'employeur à l'égard du salarié victime d'un accident du travail. Afin de compléter cette réparation forfaitaire et parfois insuffisante face au degré de responsabilité de l'employeur, cette loi fit apparaître une nouvelle notion, celle de la faute inexcusable. Elle permet une indemnisation supplémentaire.
Ainsi, l'article 20 alinéa 3 dispose que : « Lorsqu'il est prouvé que l'accident est dû à la faute inexcusable du patron ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, l'indemnité pourra être majorée, mais sans que la rente viagère ou le total des rentes allouées puisse dépasser soit la réduction soit le montant du salaire annuel. » Ces dispositions furent intégrées dans le Code de la sécurité sociale en son article L. 468, devenu par la suite, et encore aujourd'hui, l'article L. 452-1.
Cependant, aucune définition de la faute inexcusable n'était prévue par ces différents textes. Cette responsabilité est donc revenue aux tribunaux qui se sont montrés plutôt restrictifs jusqu'à l'année 2002 où, dans le sillage du scandale de l'amiante, une nouvelle définition plus souple de la faute inexcusable liée à l'obligation de sécurité du chef d'entreprise a commencé à être admise.
Il n'en demeure pas moins que les chiffres annuels des fautes inexcusables n'étant rendus publics par la Direction des risques professionnels – via des rapports annuels de l'assurance maladie – que depuis l'année 2017, il est difficile de connaître l'évolution du nombre de prises en charge – que cela soit au stade de la conciliation ou au stade du contentieux. Il serait pourtant intéressant de confronter cette quantité aux différentes évolutions jurisprudentielles qui ont sans doute facilité la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, au bénéfice des salariés victimes.
Si ces derniers peuvent obtenir de façon plus aisée une amélioration de la réparation forfaitaire grâce à une majoration de la rente versée par la Sécurité sociale, le désavantage persiste pourtant sur le plan de la réparation de certains préjudices de caractère personnel en raison d'une interprétation restrictive par la Cour de cassation de l'étendue des préjudices couverts ou non par la rente AT/MP.
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L'objectif est donc la préservation des salariés contre une exposition à des risques et des dangers dans le cadre de leur prestation de travail. La jurisprudence est assez stricte quant au moindre manquement de l'employeur qui ferait naître un accident du travail ou une maladie professionnelle qu'il aurait pu éviter. Peu de justifications pour exonérer l'employeur de sa responsabilité sont admises. Bien au contraire, il existe même des cas de présomptions de la reconnaissance de la faute inexcusable au bénéfice de la victime.
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Cette faute doit être établie par la victime, ou ses ayants droit, devant la juridiction du droit de la sécurité sociale (le pôle social du tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2019), après une éventuelle tentative de conciliation amiable. L'enjeu de la reconnaissance de la faute inexcusable est essentiellement financier. Que cela soit :
– pour le salarié : majorer sa rente et voir ses préjudices réparés par des indemnités ;
– pour la caisse de Sécurité sociale qui supporte le coût financier au moins pendant un temps (jusqu'à la récupération auprès de l'employeur des sommes versées au salarié) du versement de la majoration et des indemnités ;
– et enfin pour l'employeur qui devra rembourser la caisse et qui pourra se voir imposer des cotisations supplémentaires du fait du nombre de fautes inexcusables reconnues dans son établissement.