La capacité des syndicats catégoriels à conclure des accords collectifs
Les syndicats catégoriels sont les syndicats qui, en vertu de leurs statuts, n'ont vocation à représenter qu'une catégorie de personnel et ne présentent des candidats que dans certains collèges électoraux. Il s'agit du personnel d'encadrement (cadres, ingénieurs, agents de maîtrise), mais aussi, par exemple, des journalistes ou des pilotes de ligne. Dans ces deux derniers cas, la nature catégorielle du syndicat est liée à un métier auquel la loi reconnaît un régime de représentation spécial.
Lorsque l'audience est devenue, avec la loi du 20 août 2008, le critère phare de la représentativité des syndicats, les règles d'évaluation de l'audience de certains syndicats catégoriels ont été aménagées afin de favoriser leur maintien dans l'entreprise.
Les cadres
Les syndicats catégoriels affiliés à une confédération catégorielle nationale et interprofessionnelle (pour l'heure, la seule CFE-CGC) doivent, lors des élections professionnelles, atteindre 10% uniquement dans les collèges dans lesquels ils ont statutairement vocation à présenter des candidats (Art. L. 2122-2 du Code du travail). Les syndicats intercatégoriels doivent, eux, obtenir 10 % tous collèges confondus pour être représentatifs.
La représentativité d'un syndicat CFE-CGC est donc acquise s'il obtient 10% des voix dans le collège cadres/agents de maîtrise, et remplit bien sûr les autres critères de l'article L. 2121-1 du Code du travail (indépendance, ancienneté, etc.). La loi précise que le syndicat catégoriel est représentatif « à l'égard des personnels » qui relèvent des collèges en question.
Les journalistes
Dans une entreprise de presse, si un collège spécifique est créé pour les journalistes, le seuil des 10 % ne doit être atteint que dans ce collège (art. L. 7111-7 du Code du travail).
Les syndicats du personnel navigant technique (pilotes de ligne)
Leur représentativité est appréciée au regard du seul collège spécifique constitué de droit dès que le nombre de pilotes est au moins égal à 25 (Art. L. 6524-2 et L. 6524-3 du Code des transports).
Participation à la négociation collective et signature des accords
Sa représentativité acquise, le syndicat catégoriel a logiquement accès à la négociation collective. Concernant l'encadrement, la loi spécifie que la représentativité reconnue à une organisation catégorielle affiliée à une confédération catégorielle, au titre des salariés qu'elle a statutairement vocation à représenter, lui confère le droit de négocier toute disposition applicable à cette catégorie de salariés (Art. L. 2232-13 du Code du travail). Que faut-il en déduire ? Que, bien sûr, un syndicat de cadres est habilité à négocier un accord concernant le personnel d'encadrement. Mais dans quelle mesure peut-il négocier et signer un accord qui s'applique à tout le personnel?
À l'occasion de deux litiges – l'un au sujet d'un accord de droit syndical, l'autre au sujet d'un accord sur l'emploi des seniors – la Cour de cassation a jugé que :
- un syndicat catégoriel peut signer avec un autre syndicat intercatégoriel un accord concernant toutes les catégories du personnel. Dans ce cas, son audience électorale doit être rapportée à l'ensemble des collèges électoraux pour savoir si l'accord remplit les conditions de validité (Cass. soc. 31 mai 2011, n° 10-14391) ;
- un syndicat catégoriel ne peut pas négocier et signer seul un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel, même si son audience électorale, rapportée à l’ensemble des collèges électoraux, est supérieure à 30 % (Cass. soc. 2 juil. 2014, n° 13-14622).
Tout en considérant que le syndicat catégoriel doit accéder à la négociation d'un accord qui intéresse tout le personnel, dont les cadres font naturellement partie, la Cour tient compte de la spécificité de ces syndicats du point de vue de l'acquisition de la représentativité et de la capacité à représenter les salariés.
S'est alors posée la question de savoir si ces principes sont transposables à la situation, sensiblement différente, dans laquelle un syndicat affilié à la CFE-CGC cosigne, avec un syndicat intercatégoriel, un accord collectif fixant un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui ne concerne que des employés.
L'accord collectif mettant en place un PSE : un accord à part
Le contenu d'un PSE et les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en œuvre des licenciements peuvent, depuis la loi du 14 juin 2013, être fixés dans un accord collectif majoritaire ou bien dans un document unilatéral de l'employeur – ou encore via un mixe des deux. Le document unilatéral et l'accord-PSE sont soumis à un contrôle de l'administration (Direccte): le premier doit être homologué, le deuxième validé (sous le contrôle du juge administratif en cas de litige, voir NVO.fr 18 mai 2017). L'administration exerce un contrôle a minima sur l'accord-PSE (Voir RPDS no 821-822 p. 332 et suiv.).
La validité d'un accord-PSE répond à des contraintes plus fortes que celles d'un accord collectif normal, ce qui est d'autant plus justifié que le contrôle du Direccte est restreint. L'accord-PSE doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives aux élections professionnelles (Art. L. 1233-24-1 du Code du travail). Hormis dans certains domaines (durée du travail, congés payés, préservation ou développement de l'emploi) et jusqu'en 2019, les accords d'entreprise ordinaires doivent être signés par des syndicats ayant obtenu au moins 30% des voix aux élections et ne pas faire l'objet de l'opposition des syndicats représentant 50 % des voix.
Dans l'entreprise DIM, un PSE est établi par accord collectif signé par la CFE-CGC et la CFTC. Les deux syndicats ont obtenu, respectivement, 36,8 % et 17,1 % des suffrages exprimés aux élections professionnelles, soit plus de 50 % au total. Le plan est validé par le Direccte, mais la CFDT, non signataire, agit devant les juridictions administratives. Selon elle, la CFE-CGC ne peut pas signer un accord qui ne concerne que des salariés non cadres – en l'espèce des démonstratrices – rattachés qui plus est à un seul établissement de l'entreprise. La CFDT se fait débouter en appel (Cour adm. d'appel Versailles, 19 fév. 2015, n° 14VE03321).
Le Conseil d'État rejette à son tour la demande de la CFDT. Il considère qu'au regard tant de l'objet que de la portée d'un accord fixant un PSE, la condition de majorité de l'article L. 1233-24-1 du Code du travail doit s'apprécier en additionnant l'audience des syndicats signataires représentatifs dans l'entreprise «sans considération des catégories de salariés que leurs statuts leur donnent vocation à représenter». Peu importe donc que le PSE définisse les conditions d'indemnisation et de reclassement d'employés et soit signé par un syndicat de cadres et un syndicat intercatégoriel minoritaire (Cons. Et. 5 mai 2017, n° 389620).
Les conditions de validité des accords PSE, différentes de celles des accords de droit commun, suffiraient donc à évacuer la problématique de la légitimité du syndicat CFE-CGC. Autrement dit, les dispositions relatives à l'accord PSE dérogeraient à celles qui s'appliquent aux accords ordinaires, y compris celles qui ont trait à la capacité de négocier des syndicats catégoriels.
– peu importe que les tracts diffusés lors de la campagne des élections professionnelles se targuent de défendre tous les salariés sans esprit partisan, si les statuts du syndicat ne visent que l'encadrement : celui-ci est catégoriel (Cass. soc. 14 nov. 2013, n° 13-12659) ;
– peu importe que le syndicat se soit cantonné au 2e collège pour la présentation de candidats aux élections, si ses statuts lui donnent vocation à représenter des salariés de toute catégorie: il n'est pas catégoriel (Cass. soc. 27 mars 2013, n° 12-22733).
– si, outre les cadres, les agents de maîtrise, les techniciens etc., les statuts visent «sous certaines conditions, les employés», et que le syndicat présente des candidats dans tous les collèges, il ne peut pas être catégoriel. Son affiliation à la CFE-CGC ne change pas la donne (Cass. soc. 31 janv. 2012, n° 11-60135).