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Sortis par la porte, rentrés par la fenêtre ?

Publié le 14 janvier 2016
Par | Rédacteur en chef de la RPDS
Sortis par la porte, rentrés par la fenêtre ?

Sortis par la porte, rentrés par la fenêtre ?

À l'instar de l'accentuation de la répression pénale envers les militants syndicaux, une pratique que l'on croyait limitée à certaines entreprises est en voie d'être institutionnalisée par le gouvernement.

Je vous explique l'affaire : normalement un représentant du personnel doit utiliser les heures de délégation dont il dispose dans le mois considéré.
Mais, dans sa grande mansuétude, la loi du 17 août 2015 autorise, dans le cadre de la délégation unique du personnel (DUP), les membres de la DUP à les utiliser cumulativement dans la limite de douze mois. Ainsi, ce qui n'a pas été utilisé un mois considéré peut être reporté sur les autres mois. Cette règle ne peut toutefois conduire un membre à disposer, dans le mois, de plus d'une fois et demie le crédit d'heures de délégation dont il bénéficie.

V'l'à t'y pas que dans l'un des projets de décret de la loi du 17 août 2015, le gouvernement entend insérer un nouvel article R. 2326-3 aux termes duquel « Lorsqu'il souhaite utiliser une ou plusieurs heures de délégation dont il dispose au titre du cumul prévu au 1° de l'article L. 2326-6 au-delà de son crédit d'heures mensuel, le représentant du personnel en informe l'employeur au plus tard un mois avant la date prévue pour leur utilisation ».

Ce qui est totalement absurde, car si l'élu n'a pas utilisé tout son crédit un mois considéré, il ne pourra l'utiliser le mois suivant, mais devra attendre le mois d'après en raison du délai de prévenance d'un mois ! Sans parler des aléas de la fonction représentative qui sont, par définition, difficilement prévisibles, surtout un mois à l'avance.

Mais ce qui est plus grave, c'est que ce projet constitue, sans le dire, l'institutionnalisation de ce que l'on appelle les bons de délégation. Cette pratique, bien que tolérée par la jurisprudence, est très encadrée. Ainsi, le système des bons de délégation ne doit pas permettre à l'employeur d'exercer un contrôle préalable sur l'usage que font les représentants du personnel de leur temps de délégation.

Il ne doit pas constituer en fait une autorisation préalable au déplacement (notamment Cass. crim. 25 mai 1982, no 81-93443). Et, selon la Cour de cassation, même si un délai de prévenance est possible, celui-ci ne saurait exister de plein droit et ne peut être mis en place qu'à l'issue d'une procédure de concertation (Cass. crim. 12 avr. 1988, no 87-84148).

On en est bien loin, car le gouvernement, cédant une fois de plus au Medef, entend imposer d'en haut une réglementation tatillonne portant atteinte à la liberté syndicale. Il n'ignore pourtant pas que tout ce qui constitue un contrôle, une entrave à la liberté syndicale, doit être proportionnel, justifiée et légitime.

Or, ce mécanisme ne l'est pas. Et la loi elle-même autorise un représentant du personnel à dépasser son crédit d'heures en cas de circonstances exceptionnelles sans qu'il soit nécessaire de prévenir son employeur. Et pourquoi un décret imposerait-il une telle pratique alors que la loi elle-même limite le cumul du report des heures d'un mois sur l'autre ?

Il est vrai que le coup vient de loin. Rappelons-nous que le projet de loi Rebsamen prévoyait initialement que les élus de la DUP devaient prévenir leur employeur de leur absence 8 jours avant (lire ici un précédent billet). Les protestations syndicales avaient amené le gouvernement à faire marche arrière.
Mais telle une ambiance de cours de récréation, il tente de refiler en douce son projet avorté par voie réglementaire. Ne laissons pas « les bons » sortis par la porte, rentrer par la fenêtre.