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Le stagiaire

Publié le 22 février 2015
Par | Rédacteur en chef de la RPDS
Le stagiaire

Le stagiaire

«Interdiction des stages de plus de six mois sauf exception, hausse de la gratification imposée, contraintes renforcées à la signature des conventions, durée de présence comptabilisée, nombre limité de stagiaires dans l’entreprise, inscription de ces derniers dans le registre unique du personnel…»

Voici énumérées les principales dispositions de la loi du 26 juin 2014, applicable depuis le 27 novembre dernier, relative au développement et à l’encadrement des stages dans l’entreprise. Tous les acteurs sociaux devraient s'en réjouir car les dérives constatées en la matière étaient légions. Mettez-vous à la place des patrons. Sous couvert de délivrer une formation pratique au stagiaire, nombre d'entre eux étaient en réalité affectés à des tâches relevant de l'activité habituelle des salariés de l'entreprise ou d'un service, avec une sous-rémunération et parfois pas de rémunération du tout, même si la loi prévoit depuis quelques années un minimum légal en la matière.

V'la t'y pas que je tombe dans «Les Echos» du 11 février sur un article d'un certain Monsieur Cazauran, dont j'ai compris qu'il était chef d'entreprise. Celui-ci estime, sans vraiment l'étayer, que «Les principales dispositions de la loi d’encadrement auront forcément des conséquences désastreuses sur notre économie». Et de menacer que les offres de stages seront considérablement réduites pour les étudiants des universités avant d'en appeler à une simplification. Comprenez évidemment par là un assouplissement qui ne limite ni la durée ni le nombre de stages et dont le montant de la gratification serait moindre.

À mon avis, c'est d'un bon stage en droit du travail qu'à surtout besoin ce monsieur. Ne serait-ce que pour lui apprendre que le contrat de travail est un contrat par lequel, en échange d’un salaire, une personne s’engage à fournir un travail subordonné. Cela justifie donc l'existence de règles protectrices du salarié afin de rétablir, autant que faire se peut, le déséquilibre de cette relation contractuelle particulière. Et, au-delà, mettre des limites aux stages en entreprise, c'est aussi réaffirmer que le stagiaire (tout comme le salarié, d'ailleurs) est une personne dont la force de travail n'est pas la propriété de l'employeur. Sinon, cela s'appelle de l'esclavage.

Certes, on pourra toujours objecter que le stagiaire n'est pas un salarié. Mais M. Cazauran finit par lâcher le morceau en soulignant que «le stage correspond à la rencontre entre le besoin d’un organisme de formation, qui souhaite compléter des cours théoriques par la pratique, et celui d’organismes d’accueil (…) qui cherchent une force de travail ou de réflexion d’appoint». Selon lui, «il est complètement illusoire d’imaginer que les entreprises embauchent des stagiaires seulement pour participer à leur formation académique». Ce qui signifie donc implicitement que le patronat se satisfait d'une main-d'œuvre de passage, si possible bon marché, pour effectuer certaines tâches à la place de salariés que l'entreprise devrait payer davantage.

Puisqu'on est proche de Mardi-gras, je conseillerais vivement à M. Cazauran de se glisser dans la peau d'un stagiaire auquel il appliquera sa conception en la matière. On verra combien de temps il goûtera aux joies immodérées de faire le même travail qu'un salarié, payé trois fois moins.