Précisions sur le paiement des heures de délégation
Vous êtes délégué syndical ou élu au comité d'entreprise et vous prenez, pour exercer cette responsabilité, les heures de délégation que la loi vous accorde. Vous ne devez subir aucune perte de salaire et l'employeur ne peut contester l'utilisation de ces heures qu'après vous les avoir payées. Quelques illustrations glanées à la Cour de cassation.
Compris dans la formule « aucune perte de salaire »
L'utilisation de vos heures de délégation ne doit vous pénaliser financièrement. La rémunération versée pour ce temps d’absence comprend tous les éléments de salaire, primes comprises.
Cela dit, il y a une nuance que rappelle la Cour de cassation. Le salarié ne peut être privé, du fait de l’exercice de son mandat, du paiement d’une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi, laquelle constitue un complément de salaire. En revanche, il ne peut pas demander le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu’il n’a pas exposés en étant en délégation.
Dans la deuxième catégorie figurent les indemnités compensant les frais de repas et d'hébergement que les stewards engagent lorsqu'ils participent effectivement à une activité de vol. Lorsqu'ils restent sur leur base d'affectation, ils n'ont pas ce type de dépenses, et cette indemnité ne leur est pas versée.
Les juges précisent que le fait que cette indemnité a un caractère forfaitaire n'empêche pas de la considérer comme un remboursement de frais professionnels réellement exposés (Cass. soc. 3 févr. 2016, n° 14-18777).
Payer avant de contester
Les heures de délégation qui restent dans les limites du crédit d’heures sont considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou en dehors des heures habituelles de travail.
Cette présomption légale de bonne utilisation impose à l'employeur de payer les heures à échéance normale (le jour normal de la paie). Rien ne l'empêche de contester l'utilisation de ces heures en saisissant les prud'hommes, mais dans un deuxième temps (art. L. 2143-17 du Code du travail pour les délégués syndicaux).
L'employeur doit alors:
demander à l’intéressé de préciser les activités exercées pendant ses heures de délégation – sans que celui-ci ait à les justifier ;
s’il n’est pas satisfait, saisir les juges du fond en apportant des éléments de preuve établissant la non-conformité de l’utilisation des heures avec l’objet du mandat, éléments obtenus par des moyens licites (contre-exemple: une vidéosurveillance enregistrant l'activité des représentants du personnel, dont ni les intéressés ni les salariés n'auraient été informés).
Illustration : Un chauffeur livreur prend des heures de délégation en dehors de ses heures habituelles de travail, mais sans dépasser son crédit d’heures. Son employeur s'abstient de rémunérer ces heures car, contrairement à la loi, il présume qu'elles ne sont pas prises pour les nécessités de son mandat.
Le salarié saisit les prud’hommes en référé. L'employeur lui objecte une mauvaise utilisation des heures.
Holà du juge qui accueille la demande du chauffeur (sa créance n'est pas sérieusement contestable) et rappelle à l'employeur qu'il a le droit de contester, mais après, et devant les juges du fond (Cass. Soc. 19 mai 2016, n° 14-26967).
Délit d'entrave à l'horizon
L'employeur qui ne paye pas les heures de délégation commet un délit d’entrave. Vous pouvez donc l’attaquer sur le terrain correctionnel. C’est ce qu’a fait le salarié d’un casino, DS et élu DUP, suite à un litige portant sur le paiement d'heures de délégation prises en dehors de ses heures de travail, principalement noctures.
Ces heures sont payées comme des heures supplémentaires. L'employeur doit respecter les dispositions légales et conventionnelles relatives à leur paiement, soit en monnaie sonnante et trébuchante, soit en partie ou totalement sous forme de repos compensateur de remplacement (art. L.3121-24 du Code du travail).
Si un accord collectif prévoit l’octroi d’un repos compensateur, l’élu ou le DS ne peut pas demander une autre forme de compensation. En revanche, si l’accord collectif laisse aux représentants du personnel le choix entre deux modes de compensation, l'employeur qui impose unilatéralement le repos compensateur s’expose à une condamnation pour délit d’entrave. D'autant plus quand il s’est fait rappeler à l’ordre par l’inspection du travail (Cass. crim . 26 janv. 2016, n° 13-85770).
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