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DURÉE DU TRAVAILTemps de travail
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Moins de repos pour les travailleurs récoltants manuels

Publié le 9 septembre 2024
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Le 11 juillet 2024, un décret signé par le Premier ministre est entré en vigueur permettant aux employeurs du secteur de l'agriculture de suspendre une fois par mois, au maximum, le repos hebdomadaire des travailleurs saisonniers. Explication sur les impacts de cette mesure avec NVO Droits !

La remise en cause du temps de travail, et du temps de repos des travailleurs saisonniers ne date pas d'hier. Au stade de simples discussions plus ou moins informelles entre des membres du gouvernement et les syndicats patronaux du secteur agricole, cette question n'a, semble-t-il, fait l'objet d'aucune négociation avec les syndicats de salariés. Or, c'est bien au lendemain des élections législatives – qui leur ont pourtant été défavorables –, que les ministres du Travail, de l'Agriculture et le Premier ministre encore en poste ont signé à la hâte le décret offrant la possibilité aux employeurs de supprimer une fois par mois le repos hebdomadaire des travailleurs saisonniers. Bonne nouvelle pour les patrons viticoles de la Champagne, que la ministre du Travail a longtemps côtoyés dans le cadre de ses divers mandats politiques. Selon le syndicat de salariés agricoles la FNAF-CGT, ce texte « est une « infamie » et un « cadeau de fin de règne » au patronat agricole de la part du gouvernement sortant ».

En dehors de ce contexte particulier, le décret entré en vigueur le 11 juillet 2024 apporte une nouvelle pierre à l'édifice de détérioration des conditions de travail des travailleurs saisonniers, dont les travaux ne peuvent pas être différés dans le temps.

 

Travail saisonnier et repos hebdomadaire : généralités

Les salariés ont droit à un repos hebdomadaire d'un minimum légal de 24 heures consécutives, souvent pris le dimanche, sauf dérogation liée à la nature de l'activité. A ce repos d'une journée s'ajoute un repos quotidien de 11 heures entre deux journées de travail. (art. L. 3132-1 à L. 3132-3 C. trav.). Un salarié ne peut donc pas travailler plus de six jours dans une semaine.

 

Les dérogations au repos hebdomadaire déjà existantes

Le repos hebdomadaire peut être suspendu, différé ou réduit pour certains salariés ou certaines activités. Un report ou un repos compensateur peuvent être prévus. La liste des dérogations est exhaustive. Elles concernent les conducteurs de machines, les personnels d'entretien (art. L. 3132-8 C. trav.), les concierges et gardiens d'établissements industriels et commerciaux (art. L. 3132-11 C. trav.), les travaux urgents (art. L. 3132-4 C. trav.), les travaux de chargement et de déchargement (art. L. 3132-6 C. trav.), les activités intermittentes ou saisonnières (art. L. 3132-7 C. trav.), le traitement des matières périssables ou surcroît périodique extraordinaire de travail (art. L. 3132-5 C. trav.), les travaux intéressant la Défense nationale (art. L. 3132-9 C.trav.), les usines à feu continu ou à marche continue (art. L. 3132-10 C. trav.).

Les dérogations dans l'activité saisonnière en particulier

Les dérogations au repos hebdomadaire touchent l'activité saisonnière mais pas toutes les activités. La liste est limitative. En effet, pour les travaux accomplis en plein air, le repos hebdomadaire peut être différé en application de l’article L. 3132-7 du Code du travail lorsqu'il s'agit de « travaux extérieurs de construction et de réparation des bateaux de rivière ; travaux du bâtiment ; briqueteries ; corderies » (art. R. 3132-3 C. trav.). De même, pour certains établissements n’ouvrant, en tout ou partie, que pendant une période de l’année, le repos hebdomadaire peut être différé en application de l’article L. 3132-7 dans le domaine des « conserveries de fruits, de légumes et de poissons ; hôtels, restaurants, traiteurs et rôtisseurs ; établissements de bains des stations balnéaires thermales ou climatiques » (art. R. 3132-4 C. trav.).

 

Les travailleurs récoltants manuels directement visés

Qu'en dit le syndicat CGT ?
Le syndicat des salariés agricoles FNAF-CGT a dénoncé le mardi 16 juillet la publication de ce décret qui suspend le droit au repos hebdomadaire, en cas de circonstances exceptionnelles, pour les travailleurs qui récoltent à la main certaines productions agricoles.
« Qu'y a-t-il d'exceptionnel pour un producteur de Champagne ou un viticulteur de faire les vendanges, ou pour un producteur de coco à Paimpol, de pommes du Limousin, de thym de Provence, de mirabelles de Lorraine ou de melons charentais de faire la récolte ? » s'est agacée la FNAF-CGT.

C'est un texte issu du code rural et de la pêche maritime que vient modifier le décret n° 2024-780 du 9 juillet dernier. Le texte en vigueur (art. R. 714-10 C. rural et de la pêche maritime) prévoit aujourd'hui que tout employeur peut suspendre le repos hebdomadaire, en cas de circonstances exceptionnelles prévues au V de l’article L. 714-1, lequel désigne par « circonstances exceptionnelles » notamment les travaux dont l'exécution ne peut être différée, tels ceux précités.

Ainsi, dans la logique d'élargir à de nouvelles activités la suspension du repos hebdomadaire, le gouvernement a étendu la notion de « travaux dont l'exécution ne peut être différée » par l'ajout au texte existant (art. R. 714-10 du Code rural et de la pêche maritime) les deux alinéas suivants :

« Sont considérées notamment comme des travaux dont l’exécution ne peut être différée au sens du V de l’article L. 714-1, les récoltes réalisées manuellement en application d’un cahier des charges lié à une appellation d’origine contrôlée ou une indication géographique protégée…
Le repos hebdomadaire des salariés peut être suspendu une fois au plus sur une période de 30 jours.
 ».

En clair, il est possible pour un employeur récoltant agricole de supprimer et/ou de reporter, une fois par mois, le repos hebdomadaire des travailleurs, obligeant ainsi ces derniers à travailler 13 jours d'affilée dans des conditions que l'on sait souvent peu favorables dans ce type d'activité.

Cependant, l'employeur doit être estampillé « Appellation d'origine contrôlée » (AOP) ou « Indication géographique protégée » (IGP), ce qui semble pour l'instant limiter l'étendue du décret.

Quelles incidences sur les conditions de travail des salariés

Légalement, tout employeur doit veiller à la santé et à la sécurité des travailleurs en mettant en place des actions de prévention, d’information et de formation (art. L. 4121-1 C.trav). Il doit également évaluer les risques professionnels sur chaque poste de travail (consignés dans un document, souvent nommé document unique et d'évaluation des risques professionnels, DUERP). Il a aussi l’obligation d’informer l’inspection du travail en cas d’accident du travail mortel (site : ameli.fr).

Nous soulignons qu'il y a eu six morts dans les vignes l'an dernier, comme le publie l'Humanité.

En l'absence de mesures prises par ses soins, l'employeur engage sa responsabilité civile et/ou pénale. Il est ainsi fort à craindre que la suppression d'un jour de repos hebdomadaire maximum par mois, même s'il est reporté, pour les travailleurs saisonniers du secteur agricole et plus particulièrement ceux récoltant à la main, accroisse les risques déjà existants dans ces métiers. Les travailleurs sont dorénavant susceptibles de devoir supporter pendant treize jours consécutifs notamment :

– les fortes chaleurs qui peuvent atteindre 35 degrés dans certaines régions ;

– de la fatigue supplémentaire due à des journées déjà très longues ;

– les risques plus importants et nombreux d'accidents du travail.

Tout cela sans compter les conditions d'hébergement parfois déplorables et difficiles que font supporter certains employeurs aux saisonniers.

 

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