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Enregistrements audio clandestins : ils sont admis en justice !

Publié le 8 juillet 2024
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Un salarié peut-il enregistrer son employeur à son insu pour prouver des violences subies ? Réponse affirmative de la Cour de cassation, qui confirme sa nouvelle jurisprudence.

C'est un sujet d'interrogation récurrent chez les salariés : ai-je le droit d'enregistrer mon employeur sans son consentement pour disposer de preuves à son encontre ? Un enregistrement clandestin est-il admis aux prud'hommes ? La Cour de cassation s'y montre favorable depuis peu, mais pose des conditions. Une nouvelle jurisprudence confirmée par un arrêt du 6 juin 2024 (Cass. soc. 6 juin 2024, no 22-11.736).

Les preuves « déloyales » admises en 2023

Jusqu'en 2023, les enregistrements réalisés à l'insu de l'employeur n'étaient pas pris en compte par les juges prud'homaux. La raison ? La Cour de cassation considérait qu'il s'agissait de moyens de preuve obtenus de manière « déloyale ». De manière systématique, ils étaient donc déclarés irrecevables et écartés des débats devant le conseil de prud'hommes. Mais cette jurisprudence s'est révélée particulièrement défavorable aux salariés empêchés de faire valoir leurs droits dans les procès, en harcèlement par exemple. En décembre 2023, un revirement de première importance change la donne : les enregistrements clandestins sont désormais admis, sous conditions (Cass. soc. 22 déc. 2023, no 20-20.648). Cette nouvelle jurisprudence est confirmée le 17 janvier 2024 dans un arrêt portant sur des faits de harcèlement moral (Cass. soc. 17 janvier 2024, no 22-17.474), puis tout récemment dans arrêt du 6 juin 2024 (Cass. soc. 6 juin 2024, no 22-11.736).

Une dispute qui tourne mal

En 2016, une altercation dégénère entre un salarié et son employeur. Le salarié, qui a subi des violences verbales et physiques, est pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) au titre des accidents du travail. Il décide toutefois de ne pas en rester là et assigne son employeur en justice pour faire reconnaître la faute inexcusable de ce dernier et obtenir ainsi la réparation de ses préjudices. Au cours de l'audience, pour établir la réalité des violences subies, le salarié produit un enregistrement audio effectué avec son téléphone portable à l'insu de l'employeur lors de l'altercation. Il a pris soin, au préalable, de faire réaliser une retranscription du contenu de cet enregistrement par huissier. Côté employeur, la méthode est contestée : il y aurait une « atteinte disproportionnée » à la vie privée.

L'enregistrement audio recevable…

Dans son arrêt du 6 juin, la Cour de cassation rappelle le principe posé en 2023 : « Dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble […], le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

Puis, les juges examinent le contexte de l'affaire. Ils en concluent que l'enregistrement produit par le salarié est « indispensable à l'exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l'accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l'origine de celle-ci » (no 22-11.736).

…. à certaines conditions !

Un enregistrement clandestin peut-être admis devant la juridiction prud'homale à une double condition :

  • l'utilisation de ce moyen de preuve doit se révéler indispensable pour établir les faits soumis aux juges
  • en cas d'atteinte portée à d'autres droits (généralement le droit à la vie privée de la partie adverse), cette atteinte doit être proportionnée au but poursuivi (à savoir apporter la preuve des faits invoqués).

Qu'en était-il dans notre affaire ? Réponse en deux temps.

  • Sur le caractère indispensable du recours à l'enregistrement  

Le dépôt de plainte et les certificats médicaux produits par le salarié ne suffisaient pas à établir le lien entre l'altercation et les blessures subies ; par ailleurs, les témoins ayant assisté à la scène avaient tous un lien de subordination avec l'employeur qui les empêchait, a priori, de témoigner. Le salarié était donc bien contraint de produire l'enregistrement en question pour prouver les faits de violence subis.

  • Sur le caractère proportionné de l'atteinte à la vie privée de l'employeur

L'altercation avait eu lieu dans un lieu public, au vu et au su de tous, et l'enregistrement, corroboré par constat d'huissier, était limité à la séquence des violences subies. S'agissant d'une atteinte « strictement proportionnée », l'enregistrement fourni par le salarié était par conséquent recevable.

Attention !

S'il est possible d'enregistrer l'employeur sans son consentement pour se constituer des moyens de preuve, la réciproque est tout aussi vraie. Un employeur peut donc faire de même avec un salarié, dans le respect des conditions exposées ci-dessus.

 

En savoir plus

Voir notre dossier RPDS d'avril 2024 no 948 « La preuve devant le juge prud'homal »

 

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