Une conversation privée sur Facebook ne peut justifier un licenciement qu’à certaines conditions
Alors qu'il était en congé, un salarié avait laissé sa session Facebook connectée sur son ordinateur. Installé à ce poste de travail, son remplaçant avait pris connaissance des échanges de ce salarié avec un collègue et les avait transmis intégralement à l'employeur. Le salarié auteur des messages est alors licencié pour faute. Il saisit la juridiction prud'homale pour contester son licenciement. Les juridictions du fond lui donnent gain de cause et reconnaissent le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse ( Cass. ass. plén. 22 déc. 2023, n°21-11.330).
Une conversation privée sur Facebook n'est pas (toujours) une faute grave
Des motifs tirés de la vie privée du salarié tels les propos recueillis par l'employeur sur le compte Facebook du salarié peuvent parfois justifier un licenciement fautif. Mais pas toujours. La Cour de cassation s'est à plusieurs reprises prononcée en posant comme principe que le motif tiré de la vie privée ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire, sauf si le salarié a manqué aux obligations découlant de son contrat de travail (Cass. soc. 4 oct. 2023, n°21-25.421).
Pour exemple, dans l'affaire dite « Petit Bateau », qui a fait couler beaucoup d'encre il y a quelques années, le licenciement pour faute grave d'une salariée en raison d'une conversation sur son compte Facebook avait été admis par les juges. La salariée avait en effet dévoilé des informations confidentielles concernant son entreprise alors qu'elle était tenue par une clause contractuelle de confidentialité (Cass. soc. 30 sept. 2020, n°19-12.058).
Ainsi, dans notre affaire, à partir du moment où le salarié respecte ses obligations contractuelles, le licenciement fondé sur une conversation privée sur un compte Facebook (et qui n'était, ici, pas de nature à être rendue publique) ne pouvait constituer un manquement au contrat de travail, même si le salarié avait utilisé son ordinateur professionnel et si les propos avaient été considérés comme injurieux par l'employeur. C'est pourquoi, il n'avait pas commis de faute grave. Son licenciement était, à juste titre, sans cause réelle et sérieuse.
Une conversation, même privée, peut être produite en justice
Il s'agit bien d'une conversation d'ordre privée entre deux collègues qui est la seule preuve apportée par l'employeur dans le dossier, et qui, selon le salarié, porte atteinte au respect de sa vie privée (art. 9 C. civ.). Cet argument pourrait s'entendre au regard de dispositions pénales qui accompagnent le manquement à ce principe. En effet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui notamment en transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel (art. 226-1 C. pén.).
Mais la Cour de cassation écarte ce raisonnement, privilégiant le caractère non frauduleux de l'acquisition de la preuve. Ainsi, la question de la recevabilité de la preuve n'avait pas été retenue par les juges, puisque l'employeur n'avait pas agi de manière frauduleuse pour obtenir les échanges du salarié sur son compte Facebook.
Mais, dans une autre décision jugée le même jour, cette juridiction avait dû s'interroger sur la recevabilité d'enregistrements réalisés à l'insu du salarié (Cass. ass. plén. 22 déc. 2023, n°20-20.648). Pour la première fois, elle admet la recevabilité de preuves obtenues déloyalement sous certaines conditions.