Licencier par communiqué de presse, c’est interdit même chez Canal + !
C'est un principe bien connu de droit du travail que semble ignorer la société Canal + : tout licenciement doit être notifié au salarié par une lettre recommandée qui en indique les motifs. À défaut, le licenciement est systématiquement jugé sans cause réelle et sérieuse.
Un licenciement annoncé par communiqué…
Point de départ de cette affaire. Au printemps 2016, l'animatrice de télévision, chargée de présenter l’émission « Le Grand Journal » sur Canal +, Maïtena Biraben manifeste publiquement son opposition à la ligne éditoriale de l’émission. Quelques semaines plus tard, la chaîne cryptée publie un communiqué de presse relatif à la grille des programmes de rentrée. La salariée, pourtant recrutée pour présenter « Le Grand Journal », est remplacée dans ses fonctions d'animatrice de l'émission. Pire, elle ne figure sur aucune autre émission de la grille de rentrée. Estimant avoir fait l'objet d'un licenciement verbal, donc illicite, la salariée porte l'affaire en justice. Sans surprise, elle obtient gain de cause.
… donc jugé sans cause réelle et sérieuse
La société Canal + n'ayant même pas fait l'effort de proposer à la salariée un poste équivalent, les juges en déduisent une volonté claire de l'employeur de rompre le contrat de travail. Ce licenciement de fait (ou licenciement verbal) ne peut être régularisé par l’envoi postérieur d’une lettre envoyée en recommandé ; ce qui le rend automatiquement sans cause réelle et sérieuse.
Considérant que le délai de préavis court à compter de la manifestation de volonté de l'employeur de rompre le contrat de travail, les juges font remonter son point de départ à juin 2016, date du communiqué de presse dévoilant la grille de rentrée.
Au total, c'est plus de 3,4 millions d'euros d'indemnités qui devront être versés à la salariée (Cass. soc. 22 mars 2023, n° 21-21.104).
À savoir Quelques points clefs sur le préavis de licenciement
Sauf en cas de licenciement pour faute grave ou faute lourde, tout salarié licencié a droit à un préavis, délai de « sécurité » en quelque sorte avant la rupture effective du contrat de travail.
⇒ La durée de ce préavis varie en fonction de l'ancienneté du salarié et des dispositions de la convention collective, le cas échéant applicable : 1 mois minimum lorsque le salarié a entre 6 mois et 2 ans d'ancienneté, 2 mois minimum au-delà (art. L. 1234-1 C. trav.).
⇒ À quelle date démarre le préavis ? Son point de départ commence le jour où l'employeur manifeste sa volonté de rompre le contrat. En présence d'un licenciement « classique », effectué par lettre recommandée, il s'agit donc de la date de la première présentation de la lettre par les services postaux au domicile du salarié (art. L. 1234-3 C. trav.), et non de la date à laquelle le salarié, absent de son domicile, va chercher sa lettre à la poste.