Les victimes d’accident du travail mieux indemnisées
La rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle n’indemnise pas les souffrances physiques et morales endurées. Les victimes peuvent donc en demander l’indemnisation à l'employeur. Telle est la décision de la Cour de cassation qui jusqu’alors jugeait le contraire. Les victimes seront donc mieux indemnisées. Les explications de NVO Droits
Par un revirement de jurisprudence qui fait grand bruit, la Cour de cassation vient enfin d'admettre que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle n'indemnise pas le « déficit fonctionnel permanent » (Cass. ass. plén. 20 janv. 2023, n° 20-23.673). Sous ce terme technique se cache un des plus grands scandales de l'histoire du droit social et des accidents du travail en particulier.
Plantons le décor : lorsque subsiste une incapacité permanente suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, la victime (ou ses ayants droit si elle est décédée) bénéficie d'une rente ou d’une indemnité en capital si l'incapacité est inférieure à 10 %. Le taux de cette rente dépend du taux d'incapacité reconnue à la victime lequel est fixé en fonction de divers paramètres compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité (Art. L. 434-2 C. séc. soc.). Si l'accident ou la maladie est dû à une faute inexcusable de l'employeur, la rente fait l'objet d'une majoration. En complément de cette rente majorée, qui répare le préjudice économique (la diminution ou la perte de pouvoir vivre de son travail), la victime peut demander à l'employeur l'indemnisation des préjudices de caractère personnel non indemnisés par la sécurité sociale. Mais que sont ces préjudices donnant droit à une indemnisation complémentaire, distincte de la majoration de la rente ?
Selon l'article L. 452-3 du Code de sécurité sociale, il s'agit des souffrances physiques et morales endurées par la victime (appelées également déficit fonctionnel permanent), ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. La jurisprudence y a ajouté le préjudice sexuel. Quant aux ayants droit, ils peuvent obtenir l'indemnisation de leur préjudice moral.
La rente ne répare pas tout
L'employeur est responsable de l'indemnisation de ces préjudices sur son patrimoine personnel (art. L.452-4, al. 2 et 3, C. séc. soc.). D'où son intérêt d'en limiter l'étendue en considérant que certains d'entre-eux sont déjà réparés par la rente et sa majoration, ce qui conduit à gonfler artificiellement le préjudice économique. C'est exactement ce qui s'est produit pendant des années pour les souffrances physiques et morales endurées, qui correspondent au handicap dont souffre la victime dans le déroulement de sa vie quotidienne. La Cour de cassation considérait jusqu'alors que la rente accident du travail réparait non seulement les préjudices de caractère économique (perte de gains professionnels et incidence professionnelle de l'incapacité), mais aussi ce déficit fonctionnel permanent (Cass. civ. 2e, 11 juin 2009, n° 08-17.581), alors qu'elle n'établissait pas toujours avoir effectivement préalablement versé une prestation indemnisant ce dernier. Une telle analyse permettait ainsi de limiter les sommes que la victime ou ses ayants droit pouvait récupérer auprès du responsable de l'accident au titre de l'indemnisation d'un préjudice personnel. Pourtant, le mode de calcul de la rente par référence au salaire de la victime avant l'accident montre bien que celle-ci ne répare que le seul préjudice professionnel, comme l'avait jugé en son temps le Conseil d'Etat (Cons. Ét., avis, 8 mars 2013, n° 361273).
En reconnaissant que la rente majorée ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, la Cour de cassation permet enfin aux victimes de percevoir, en complément de leur rente, une indemnité distincte, correspondant aux souffrances physiques et morales endurées. Dont acte.
En savoir plus : D. Breton, « La faute inexcusable de l'employeur », RPDS 2022, n° 930, p. 317.