Le Comité européen des droits sociaux vent debout contre le barème Macron
Le barème Macron fixe les indemnités à verser au salarié lorsqu'il est licencié sans cause réelle et sérieuse. Les montants diffèrent selon l'ancienneté du salarié et l'effectif de l'entreprise. L'indemnité est encadrée par des planchers et des plafonds à ne pas dépasser.
Un barème Macron très contesté par les conseils de prud'hommes et les cours d'appel
Depuis son entrée en vigueur en 2017 (art. L. 1235-3 C. trav.), le barème Macron est remis en cause par de nombreux conseils de prud'hommes et cours d'appel. Le principal reproche à son encontre est que les sommes fixées ne sont pas suffisantes pour réparer le préjudice subi par le salarié abusivement licencié. Il fait la part belle aux patrons, qui peuvent ainsi budgéter par avance le coût d'un licenciement injustifié. Il constitue ainsi une sanction insuffisamment dissuasive pour les employeurs.
Dans leur argumentaire, les juridictions mettent en avant le droit européen, notamment la Charte sociale européenne. Cette dernière prévoit en effet en son article 24 le droit de tout salarié à une réparation adéquate ou appropriée en cas de licenciement sans motif valable. Or, la France, signataire de cette Charte depuis 1996 et l'ayant ratifié en 1999, se doit d'en suivre les directives.
Une Cour de cassation à contre-courant qui applique le barème Macron
Très attendue, la décision de la Cour de cassation tombe le 11 mai dernier (Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-14.490 et 21-15.247). Déception pour de nombreux juristes, syndicalistes et militants de la cause des salariés. La Cour décide de valider le barème Macron et estime que l'article 24 de la Charte sociale européenne est dépourvu d'effet direct et ne peut donc être invoqué dans les juridictions françaises.
Un nouvel opposant au barème Macron : le Comité européen des droits sociaux
Le 23 mars dernier, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) s'était déjà prononcé sur la non-conformité du barème Macron au regard de l'article 24 de la Charte sociale européenne (CEDS, 23 mars 2022, CGT-FO c. France, n° 160/2018, CGT c. France, n° 171/2018).
À nouveau saisi de la question, il réaffirme sa position dans ses conclusions publiées le 30 novembre (CEDS, 30 novembre 2022, CFDT c. France, n° 175/2019). Le barème Macron ne garantit pas aux salariés une indemnité adéquate ni appropriée telle que le conçoit la Charte européenne des droits sociaux. Plusieurs points importants sont relevés :
- les plafonds d'indemnisation sont insuffisamment élevés ;
- ils ne permettent pas de dissuader l'employeur de réitérer des licenciements injustifiés ;
- ils ne réparent pas suffisamment le préjudice subi par le salarié ;
- les juges français disposent de peu de marge de manœuvre pour apprécier les circonstances individuelles et particulières de chaque licenciement injustifié.
Le CEDS en conclut que la Cour de cassation méconnaît actuellement des dispositions de la Charte. Il recommande en conséquence au législateur français de donner les moyens aux juridictions de se mettre en conformité avec la Charte laquelle « énonce des obligations de droit international qui sont juridiquement contraignantes pour les États parties ».
La France peut-elle passer outre les conclusions du CEDS ?
Les conclusions faites par le Comité ne sont pas d'application immédiate dans les juridictions nationales. La Cour de cassation peut donc très bien maintenir pour le moment sa position du 11 mai 2022. Ainsi, l'impact de cette décision du CEDS du 30 novembre peut s'avérer limité.
Cependant, les décisions du CEDS établissent le droit et peuvent servir le cas échéant à des modifications dans le droit national pour respecter la Charte sociale européenne. À force de persévérance, ces recommandations pourraient très bien faire œuvre utile et amener la Cour de cassation et le législateur français à changer de cap.