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HARCÈLEMENTHarcèlement moral
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Enquête interne pour harcèlement : l’employeur libre de fixer les règles ?

Publié le 6 octobre 2022
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Dans les affaires de harcèlement moral et sexuel, les enquêtes internes diligentées par les employeurs sont sujettes à controverse. Le point sur la jurisprudence récente.

Dès qu'il a connaissance d'actes de harcèlement commis dans l'entreprise, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour les faire cesser. Il en va de son obligation d'assurer la sécurité des salariés et de préserver leur santé (Cass.  soc.  1er  juin  2016, n°  14-19702).

Parmi ces mesures se pose l'épineuse question du licenciement de l'auteur présumé des faits. En application de l'article L. 1152-5 du Code du travail, « tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire » ; à condition d'être en mesure d'apporter la preuve des faits reprochés. Il y a donc nécessité, pour l'employeur, de diligenter une enquête (Cass. soc. 27 nov. 2019, n° 18-10551). Cette enquête qui peut être réalisée en interne ou par un organisme extérieur (Cass. soc. 17 mars 2021, n° 18-25597) n'est pas réglementée par le Code du travail. Or la Cour de cassation se montre peu exigeante envers les employeurs, ces derniers étant libres de mener ces enquêtes comme bon leur semble. Une tendance inquiétante que confirme un arrêt du 29 juin 2022 (n° 21-11437).

Un directeur d'agence bancaire accusé de harcèlement

Au sein d'une banque, le directeur d'une agence est accusé d'actes de harcèlement moral et sexuel par deux salariées. L'une lui reproche des propos récurrents à connotation sexuelle, en particulier des propos graveleux et déplacés sur son physique ou ses tenues vestimentaires ; l'autre dénonce des réflexions déplacées, ainsi qu'une pression quotidienne et des reproches permanents.

L'employeur décide de diligenter une enquête, à l'issue de laquelle il licencie l'auteur présumé des faits pour faute grave. Ce dernier décide néanmoins de contester cette décision, au motif que le rapport d'enquête constituerait une preuve déloyale. Plusieurs arguments sont présentés au juge :

  • seules les deux salariées ayant dénoncé les faits auraient été auditionnées, ensemble de surcroît ;
  • le temps d'interrogatoire du salarié accusé n'est pas précisé ;
  • les représentants du personnel n'ont pas été saisi du dossier.

L'action du salarié échoue aux prud'hommes mais il obtient gain de cause en appel. L'affaire est portée devant la Cour de cassation.

Un rapport d'enquête jugé recevable, malgré ses insuffisances

La haute Cour, dans son arrêt du 29 juin, rappelle ces deux principes :

  • devant le juge prud'homal, la preuve est libre ;
  • l'employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour faire cesser un harcèlement et le sanctionner.

Le rapport d'enquête interne est jugé recevable, malgré ses défauts pointés par la cour d'appel. Un point important à souligner : dans cette affaire, des comptes rendus d'entretiens et des attestations de salariés fournis par l'employeur avaient été écartés des débats par les juges d'appel. Or, en matière de harcèlement, la Cour de cassation rappelle que l'ensemble des pièces du dossier doivent être examinées.

Une jurisprudence qui interroge

D'une manière générale, les juges se montrent peu exigeants concernant les investigations menées par les employeurs dans les affaires de harcèlement moral ou sexuel.

Il a ainsi été décidé que :

On peut s'interroger sur l'opportunité de ces décisions. Certes les faits dénoncés dans la plupart des affaires sont graves. Mais tout salarié mis en cause doit pouvoir exposer sa version des faits. Pour rappel, l'article 4.2 de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail pose des exigences d'objectivité et d'impartialité dans la conduite de l'enquête visant à établir la véracité des accusations. Des règles essentielles à respecter, sauf à ouvrir la porte aux abus des employeurs.

En savoir plus

Dossier « Le harcèlement moral en entreprise », RPDS 2019, n° 889

Guide Combattre le harcèlement au travail, VO Éditions, 2019.