Motif économique : la baisse du chiffre d’affaires s’apprécie strictement
Une entreprise affichant une perte de chiffre d'affaires de 22 835 millions d'euros entre l'exercice de 2015 et celui de 2016 peut-elle se fonder sur cette baisse pour justifier un licenciement économique le 5 juillet 2017 ? Non, répond la Cour de Cassation qui se prononce pour la première fois sur l'exigence d'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires pour justifier un licenciement économique (Cass. soc. 1er juin 2022, n° 20-19957).
Pour apprécier les difficultés économiques, seule compte une période précisément définie par la loi
Depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi Travail, la période pour apprécier l'existence de difficultés économiques justifiant un licenciement est strictement encadrée par l'article L. 1233-3 du Code du travail. Celui-ci prévoit que doivent être établis un recul du chiffre d'affaires ou une baisse des commandes d'une durée minimum de :
- 1 trimestre pour une entreprise employant moins de 11 salariés,
- 2 trimestres consécutifs pour une entreprise employant au moins 11 mais moins de 50 salariés,
- 3 trimestres consécutifs pour une entreprise employant au moins 50 mais moins de 300 salariés,
- 4 trimestres consécutifs pour une entreprise employant 300 salariés et plus.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation précise que la durée d’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires de nature à caractériser des difficultés économiques, s’apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l’année précédente à la même période.
L'importance de la baisse ne justifie pas de prendre en compte une période antérieure
En effet, de jurisprudence constante, le motif du licenciement doit être apprécié à la date du licenciement (Cass. soc. 21 nov. 1990, n°87-44940). La période à retenir pour caractériser les difficultés économiques doit donc s'apprécier en comptant à rebours de la date du licenciement.
Dans cette affaire, l'entreprise comptant plus de 300 salariés, les difficultés économiques auraient été caractérisées si les indicateurs du 1er trimestre 2017 et des trois derniers trimestres 2016 avaient été inférieurs à ceux du 1er trimestre 2016 et aux trois derniers trimestres 2015. Or, l'entreprise ayant connu une légère augmentation de son chiffre d'affaires au 1er trimestre 2017, elle ne pouvait justifier de 4 trimestres consécutifs de baisse à la date du licenciement. Le motif économique du licenciement n'est donc pas fondé.
La Cour de cassation livre ici une lecture stricte de la nouvelle définition des difficultés économiques apportée par la loi Travail. À trop vouloir sécuriser les employeurs en limitant l'office du juge, le législateur peut aussi les enfermer dans des cases certes prévisibles mais pas toujours pertinentes !