À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
DURÉE DU TRAVAIL
DURÉE DU TRAVAIL

Pour prouver vos heures supplémentaires, utilisez le référé probatoire

Publié le 12 juillet 2022
Modifié le 29 juillet 2022
Par
En cas de litige relatif aux heures supplémentaires, l'employeur peut être contraint de communiquer au salarié des documents indiquant le temps de travail effectué. Un conseil de prud'hommes vient ainsi d'ordonner l'extraction d'informations d'un logiciel de vente.

Bien rares sont ceux qui pensent à conserver la preuve de leurs heures supplémentaires. Lorsqu'elles ne sont pas payées, beaucoup renoncent à faire valoir leurs droits, faute d'éléments « sérieux » à présenter au juge. Or, contrairement à une idée reçue, il n'est pas nécessaire de détenir des preuves irréfutables pour obtenir gain de cause. Deux choses importantes à savoir :

  • en matière d'heures supplémentaires, la charge de la preuve est dite « partagée » entre employeur et salarié ;
  • lorsque le salarié estime en avoir besoin, le juge peut ordonner à l'employeur de communiquer des pièces utiles au décompte du temps de travail.

Charge de la preuve « partagée »

L'employeur doit se montrer diligent sur les questions relatives au temps de travail. Il est censé établir des documents nécessaires au décompte de la durée du travail pour chaque salarié ne travaillant pas selon un horaire collectif (art. L. 3171-4 C. trav.). Ces documents, qui justifient les horaires réalisés, doivent être tenus à la disposition de l'inspection du travail en cas de contrôle (art. L. 3171-2 & L. 3171-3 C. trav.), et fournis au juge en cas de contentieux. L'employeur ne peut donc se borner à contester les éléments apportés par le salarié sans en proposer d'autres.

Côté salarié, des éléments suffisamment précis relatifs aux heures de travail effectuées doivent être présentés lors de l'audience. Mais il n'est pas toujours aisé de dater et comptabiliser avec précision des heures supplémentaires effectuées il y a plusieurs mois, voire plusieurs années (3 ans au maximum). Le salarié n'est pas démuni pour autant, grâce au référé probatoire.

Qu'est-ce que le référé probatoire ?

Il s'agit d'une technique juridique, prévue à l'article 145 du Code de procédure civile (CPC), qui permet de demander au juge l'obtention d'éléments de preuve avant l'examen du litige à proprement parler (l'examen dit « sur le fond »).

Selon cet article, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Le référé probatoire a fait la preuve de son efficacité dans les procès en discrimination, les éléments de preuve étant en possession de l'employeur dans ces litiges. Son utilisation dans les contentieux relatifs au paiement d'heures supplémentaires peut s'avérer toute aussi payante, comme le montre un jugement récent du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (CPH Boulogne-Billancourt, 25 mars 2022, n° RG R 22/00011).

Heures supp difficiles à comptabiliser

L'affaire jugée par le CPH de Boulogne-Billancourt concernait une salariée embauchée au sein d'une officine de pharmacie en 2017. Son contrat fixait une durée de travail à 35 heures hebdomadaires. En janvier 2019, l'employeur cesse de lui payer les heures supplémentaires qu'elle effectue régulièrement. En novembre 2021, la salariée demande par lettre recommandée le paiement de ces heures (incluant ses gardes de nuit et de week-end) pour un montant de 54 761 euros. Elle reconnaît toutefois être dans l'impossibilité de déterminer avec exactitude la quantité d'heures supplémentaires effectuées, faute de disposer des relevés de ses heures de travail.

Extraction d'informations d'un logiciel de vente

L'avocat de la salariée saisit le juge des référés pour demander, sur le fondement de l'article 145 du CPC, que lui soient communiqués les extraits du logiciel utilisé par l'officine pour enregistrer les dates et heures des ventes, commandes et mouvements de stocks. Chaque salarié effectue ces différentes opérations à l'aide d'un code opérateur personnel, identifié par ses initiales. À l'aide de ces informations, il sera donc bien plus aisé de comptabiliser les heures de travail effectuées par notre pharmacienne.

Mais l'employeur s'y oppose. Il fait valoir que la salariée, en application de l’article L. 3171-4 du Code du travail, doit présenter elle-même des éléments de nature à étayer sa demande.

Cet argument est balayé par les juges Boulonnais, au motif que l'employeur pourrait, de son côté, utiliser les informations issues du logiciel pour contester la demande de paiement d'heures supplémentaires. Il ne justifie donc d'aucun argument sérieux pour s'opposer à cette demande.

En toute logique, le CPH décide que la salariée est fondée à obtenir l'extraction d'informations stockées sur le logiciel utilisé pour enregistrer les heures et les dates des ventes, dans la mesure où il n'existe pas d'outil de suivi du temps de travail au sein de l'officine (tels que badgeuse, feuille de présence…). Le nombre d'heures de travail effectué pourra ainsi être déterminé avec exactitude avant que le juge ne tranche le litige « au fond ».

En savoir plusSur la preuve des heures supplémentairesVoir notre dossier « Comment prouver les heures supplémentaires ? »Sur l'utilisation du référé probatoire dans les procès en discriminationVoir notre article « Le droit à la preuve justifie l’accès aux bulletins de paie des collègues »
Voir notre numéro spécial « La lutte contre les discriminations », RPDS 2021, n° 916/917, p. 290
Suivez la NVO sur FacebookTwitterInstagram