Demande de congés payés : le silence de l’employeur vaut acceptation
Nombre d'entreprises ont aujourd'hui recours à des logiciels pour gérer les congés payés. Pour poser des jours, le salarié se connecte à un planning partagé puis effectue sa demande en indiquant les dates souhaitées ; à charge ensuite pour l'employeur de les valider ou non. La procédure est parfois plus incertaine au sein des petites entreprises, faute de règles clairement établies : le salarié envoie sa demande par mail, sms, voire même l'exprime oralement.
Quel que soit le mode de fonctionnement choisi, une question revient fréquemment à l'approche des congés d'été : que faire lorsque l'employeur ne réagit pas à une demande ? Comment interpréter son silence ? La Cour de cassation vient d'apporter une réponse dans un arrêt du 6 avril 2022 (n° 20-22055).
À savoir→ Même si un salarié prend des congés en dépit du refus réitéré de l'employeur, il ne peut être considéré comme démissionnaire ; les juges estiment qu'un départ en congés n'exprime pas une volonté claire et non équivoque de mettre fin à la relation de travail (Cass. soc. 2 fév. 1994, n° 90-42879).
→ Le fait de prendre un seul jour de congé pour un motif impérieux, malgré le refus de l'employeur, n'est pas nécessairement fautif (Cass. soc. 28 nov. 2006, n° 05-42062). Tout dépend des circonstances : motif invoqué pour s'absenter (par exemple un rdv médical important pris de longue date, un déménagement), bonne foi du salarié, ancienneté, délai de prévenance de l'employeur, etc.
→ Lorsque le salarié est informé du refus de l'employeur la veille de son départ, les juges peuvent constater la « légèreté blâmable » dont ce dernier a fait preuve en notifiant ce refus tardif. Dans ce contexte, l'absence reprochée au salarié n'est pas fautive et son licenciement n'est pas justifié (Cass. soc. 23 janvier 2002 n° 99-46143*).
(*) Dans cette affaire, le salarié avait demandé des congés pour suivre une cure thermale, prescrite par son médecin ; les juges ont constaté que le refus tardif de l'employeur ne lui avait pas permis d'y renoncer.
L'autorisation de l'employeur nécessaire
Lorsqu'il existe, au sein de l'entreprise, une règle imposant l'obligation d'obtenir d'une autorisation expresse de l'employeur avant tout départ en congés, le salarié ne peut s'absenter sans disposer de cette autorisation préalable. Cette règle doit toutefois être posée de manière explicite ; par exemple dans un accord collectif ou dans une note de service.
Dans tous les cas, si l'employeur refuse une demande de congés, le salarié doit s'y conformer. S'il décide malgré tout de partir sans justification sérieuse, il risque un licenciement pour faute grave (Cass. soc. 19 janvier 2005, n° 02-46418).
Mais dans l'hypothèse où l'employeur ne répond pas à une demande et lorsqu’aucune règle au sein de l'entreprise ne précise l'obligation d'obtenir son autorisation expresse pour partir en congés, peut-on considérer qu'il s'agit d'une autorisation tacite ?
Silence de l'employeur = autorisation tacite
Dans l'arrêt du 6 avril 2022 (n° 20-22055), la Cour de cassation répond par l'affirmative. Les faits sont les suivants. Un salarié, vitrier depuis plus de 15 ans au sein d'une société de BTP, exprime oralement une demande de congés pour une (seule) journée en juin 2016. Aucune règle relative aux demandes de congés n'existe dans l'entreprise. L'employeur ne prend pas la peine de répondre, ce que le salarié interprète comme une autorisation. Il s'absente donc à la date prévue, mais reçoit, à son retour, un avertissement pour « absence injustifiée »… sanction qu'il décide de contester devant la juridiction prud'homale.
Les juges font droit à sa demande. L'avertissement est annulé au motif qu'il n'est « pas établi que l'employeur avait expressément formulé un refus, en sorte que le salarié avait pu considérer que sa demande était acceptée ». Dans ces conditions, le salarié ne pouvait être ni placé en absence injustifiée, ni sanctionné disciplinairement.