Rémunération sur objectifs : quelques règles essentielles à connaître
C'est une tendance lourde depuis plus de vingt ans : la proportion de salariés percevant une rémunération variable est en constante progression. Ils sont aujourd'hui une large majorité à être payés au moyen de primes, de bonus ou de commissions. Les clauses d'objectifs, en particulier, ne sont plus réservées aux cadres commerciaux. De nombreux corps de métiers se voient désormais contraints d'atteindre des quotas de différente nature : concevoir ou fabriquer certains produits, exécuter certaines tâches, réaliser un volume de vente, atteindre un chiffre d'affaires, etc.
Les clauses d'objectifs, généralement insérées dans les contrats de travail, sont sources d'abus et génèrent un abondant contentieux. Les litiges sont particulièrement nombreux en ce qui concerne le volume des objectifs fixés et la situation du salarié qui ne parvient pas à les atteindre.
Objectifs réalisables
Qu'ils soient fixés unilatéralement par l'employeur ou négociés avec le salarié, les résultats à atteindre doivent être réalistes. La jurisprudence est constante sur ce point, les objectifs fixés à un commercial doivent être compatibles avec le marché (Cass. soc. 13 janv. 2009, n° 06-46208).
Une question, toutefois, n'a été tranchée que récemment. Devant le juge, qui doit prouver quoi ? Est-ce au salarié de démontrer que les quotas fixés ne sont pas réalisables ou est-ce à l'employeur de démontrer qu'ils le sont ?
C'est la deuxième option qu'a choisi la Cour de cassation dans un arrêt du 15 décembre 2021 (n° 19-20978). Dans cette affaire, le salarié soumis à une clause d'objectifs n'avait bénéficié d'aucune rémunération variable pendant des années. Estimant que les objectifs assignés étaient irréalisables, il avait saisi le juge pour obtenir un rappel de salaire. Ce salarié a obtenu gain de cause devant la Cour de cassation au motif que l'employeur ne produisait aucun élément de nature à établir que les objectifs fixés étaient réalisables. Une absence de preuve fermement sanctionnée puisque l'employeur a été condamné à verser au salarié l'intégralité de la rémunération variable sur les trois derniers exercices (en application de l'article L. 3245-1 du Code du travail, un délai de prescription de trois ans s'applique aux actions en paiement du salaire).
Pas de licenciement pour non atteinte des objectifs
Un salarié peut-il être licencié pour objectifs non atteints ? Théoriquement, non, même lorsque les objectifs fixés sont réalisables. Une seule insuffisance de résultats ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, y compris en cas de baisse flagrante du chiffre d'affaires réalisé par le salarié (Cass. soc. 22 janv. 2003, n° 01-40713). Ce principe s'applique même lorsque le contrat de travail prévoit la possibilité de licencier le salarié pour non atteinte des objectifs (Cass. soc. 14 nov. 2000, n° 98-42371).
Seules deux alternatives sont possibles pour l'employeur dans ce cas de figure : invoquer une faute ou une insuffisance professionnelle… à condition de pouvoir en apporter la preuve.
- Licencient pour faute. Lorsque le salarié a commis une ou plusieurs faute(s) à l'origine de la non-atteinte des objectifs, l'employeur peut s'en prévaloir. Il peut s'agir, par exemple, d'absences non justifiées lors de rendez-vous programmés avec des clients, générant une perte de chiffre d'affaires.
Voir notre dossier « Licenciement : la notion de faute disciplinaire, RPDS 2018, n° 877, p. 157
- Licenciement pour insuffisance professionnelle. Ce motif de licenciement, qui n'est pas une faute, implique une incapacité durable du salarié à exécuter de façon satisfaisante ses fonctions (lenteur dans l'exécution du travail, absence de qualités d'organisation nécessaires, etc.). En cas de litige, cette incapacité doit être prouvée par l'employeur par des éléments précis et objectifs. Le défaut d'atteinte des résultats pourra, le cas échéant, être l'un de ces éléments, mais ne pourra pas suffire en soi.