Pas de travail de nuit dans les commerces !
Bien que la loi affirme son caractère exceptionnel, et malgré de nombreuses études montrant sa nocivité pour la santé, le travail de nuit ne cesse de progresser. 23 % des salariés (5,5 millions) travaillent aujourd'hui entre 20 heures et minuit et 9 % (2,2 millions) entre minuit et 5 heures (Dares analyses, juin 2018).
Si travail nocturne se justifie pleinement dans certains secteurs, là où l'activité ne peut s'interrompre (hôpitaux par exemple), il en va autrement pour les commerces.
Offensive patronale dans le secteur du commerce
L'idée n'est pas nouvelle, mais elle fait son chemin : la liberté de vendre et de consommer des produits et des services à toute heure pourrait justifier l'ouverture des commerces la nuit.
Certaines enseignes n'hésitent pas à se mettre régulièrement hors la loi pour maintenir la pression. Les sagas judiciaires Sephora, Monoprix, Metro, ou Carrefour City montrent toute l'énergie déployée pour banaliser le recours au travail de nuit. Les mêmes arguments sont martelés de façon récurrente à l'occasion de ces procès très médiatisés : recherche de conditions « optimales » d'ouverture au public, volonté de répondre à une « demande grandissante de la clientèle » « nécessité » de s'adapter aux horaires tardifs, etc.
Le recours au travail de nuit interdit
Sauf accord collectif fixant des horaires différents, toute heure de travail accomplie entre 21 heures et 6 heures est du travail de nuit (art. L. 3122-20 C. trav.). Aujourd'hui, l'employeur ne peut y avoir recours que lorsque ces trois conditions sont réunies (art. L. 3122-1 du C. trav.) :
- le travail de nuit est exceptionnel (dans le sens strictement indispensable) ;
- il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ;
- il est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou un service d’utilité sociale.
Une ouverture tardive, quel que soit le positionnement commercial et concurrentiel de l'enseigne, n'est pas nécessaire pour assurer la continuité de l'activité économique y compris dans une zone qualifiée de « forte affluence nocturne » (Cass. crim. 11 déc. 2018, n° 17-87432). Le recours au travail de nuit est donc impossible dans les commerces, même si la convention collective du commerce de détail indique le contraire (Cass. soc. 7 janv. 2020, n° 18-83074).
Autre principe fondamental posé par les juges : le fait que des salariés soient volontaires pour travailler la nuit n'autorise pas la violation des règles légales d'ordre public encadrant le recours au travail de nuit (Cass. crim. 16 oct. 2018, n° 17-83703).
Le travail en soirée possible uniquement dans les zones touristiques
Le travail « en soirée » a été instauré par la loi Macron du 6 août 2015 pour contourner l'interdiction du travail de nuit dans les commerces. Cette loi autorise les ouvertures tardives – jusqu'à minuit – dans certains établissements de vente au détail. Ces trois conditions doivent être réunies (art. L. 3122-4 C. trav.) :
- l'établissement est situé dans une zone touristique internationale (ZTI, zones définies par arrêtés interministériels) ;
- un accord collectif prévoit la mise en place du travail en soirée (accord d’entreprise, accord de branche, ou accord territorial) ;
- les salariés sont volontaires pour travailler en soirée.