Salaires minima, le Conseil d'Etat renforce les branches
Les ordonnances Macron de 2017, dans le sillage de la loi Travail de 2016, ont affirmé la primauté de l'accord d'entreprise dans la fixation de très nombreuses règles du droit du travail. L'accord d'entreprise peut ainsi contenir des dispositions moins favorables aux salariés que la convention collective de branche dès lors qu'il respecte le socle minimal de droits fixés par la loi, lequel peut être très bas. Ce n'est qu'à défaut de dispositions dans l'accord d'entreprise que la convention de branche redevient applicable.
Cette balkanisation du droit du travail, qui affaiblit les garanties collectives des salariés, est toutefois circonscrite dans certains domaines où l'accord d'entreprise ne peut pas s'affranchir de la convention de branche, ce que l'on appelle les « domaines réservés ». C'est précisément le cas des salaires minima hiérarchiques. Ceux-ci doivent être respectés par les accords d'entreprise, sauf à assurer des garanties au moins équivalentes (art. L. 2253-1 et L. 2253-2 du C. trav.).
Les salaires minima hiérarchiques, c’est quoi ?
Les salaires minima hiérarchiques sont les salaires minimaux des salariés selon leur classification professionnelle. Il appartient à la convention de branche de définir leur niveau. Doivent-ils être limités au salaire de base des salariés ou être élargis à leur rémunération effective résultant de leurs salaires de base et de certains compléments de salaires, par exemple des primes ? L'accord d'entreprise peut-il fixer d'autres prescriptions que celles prévues par la branche pour les compléments de salaires ?
Le Conseil d’Etat fixe les règles entre accord de branche et accord d’entrerprise
Le Conseil d'Etat vient sur ces deux point de rendre un arrêt d'une importance capitale (CE, 7 oct. 2021, n° 433053).
- Il affirme en premier lieu que l'accord de branche n'est pas obligé de limiter les salaires minima au seul salaire de base et qu'il peut intégrer dans ceux-ci des compléments de salaire.
- Il considère en second lieu que si l'accord d'entreprise peut réduire ou supprimer les compléments de salaire identifiés par l'accord de branche, c'est à condition que soit garantie aux salariés une rémunération effective au moins égale au montant du salaire minimum hiérarchique fixé par l'accord de branche.
Un camouflet pour les ordonnances Macron
C'est un camouflet cinglant à la conception issue des ordonnances Macron et de la position tenue depuis lors par le ministre du travail. Dans l'hypothèse d'une intégration des compléments de salaire aux minima hiérarchiques, un accord d'entreprise ne peut plus rogner le montant global du salaire minima prévu par l'accord de branche.
Tant les employeurs que les syndicats de salariés qui négocient au niveau de la branche doivent tirer les leçons de cet arrêt. S'ils sont soucieux de faire jouer à la branche son rôle de régulateur de la concurrence, nul doute qu'ils entendront limiter les marges de manœuvre de l'entreprise en termes de négociation des salaires minima.
La primauté de l'accord d'entreprise ne peut pas déboucher sur la loi de la jungle.