Entretien professionnel ou d’évaluation : un distinguo à opérer sans dérive !
Dans le cadre de ses prérogatives, l'employeur a la possibilité de faire passer plusieurs entretiens :
- des entretiens d'évaluation des compétences professionnelles ;
- tous les deux ans, un entretien professionnel ;
- des entretiens particuliers au début et/ou à la fin du mandat représentatif ou syndical si le salarié en est titulaire.
Tous ces entretiens visent des objectifs différents. Pour autant, il n'est pas rare que les employeurs les confondent, par méconnaissance, et s'adonnent à des pratiques un peu douteuses, génératrices de discrimination. Le principe de non-discrimination, cher au droit du travail, est un principe souvent bafoué par les employeurs. Les salariés qui en sont victimes peinent toujours à en apporter la preuve devant la justice.
L'évaluation du salarié par les entretiens individuels
Lorsqu'il le juge nécessaire, ou lorsqu'un accord collectif le lui impose, l'employeur a la possibilité de faire passer des entretiens d'évaluation des compétences professionnelles du salarié.
Des obligations d'informations pèsent sur l'employeur
Le dispositif d'évaluation doit faire l'objet au préalable d'une information-consultation du comité social économique dans les entreprises de 50 salariés et plus (Art. L. 2312-37 du C. trav.). En effet, ces entretiens d'évaluation, ayant des incidences sur la rémunération et la carrière des salariés, sont de nature à affecter le comportement de ces derniers et ainsi d'altérer leur santé. Avant de mettre en place ces entretiens, l'employeur doit également informer individuellement le salarié du système d'évaluation auquel il sera soumis, de la personne qui dirigera l'entretien, de l'objectif poursuivi, et les personnes destinataires des résultats d'évaluation. À défaut d'en avoir eu connaissance, le salarié peut demander des dommages et intérêts en justice s'il a subi un préjudice.
L'objectif de l'évaluation
L'évaluation doit permettre d'apprécier les aptitudes professionnelles du salarié. Ainsi, les informations qui lui sont demandées doivent avoir un lien direct et nécessaire avec l'évaluation de ses aptitudes (Art. L. 1222-2 du C. trav.). Des informations de la vie privée du salarié ne peuvent pas être collectées même sous la forme d'un commentaire libre. Tout commentaire doit être adapté, pertinent et objectif en fonction du but recherché (Art. L. 1222-3 du C. trav.)
L'exigence de neutralité
L'employeur doit faire preuve d'une grande neutralité dans cet exercice. Il doit évacuer toute idée que le salarié est détenteur, le cas échéant, d'un mandat syndical. La Cour de cassation relève cependant que l'employeur peut prendre en considération les activités syndicales exercées par le salarié si un accord collectif le prévoit et que celui-ci tend à assurer une neutralité et à valoriser les compétences acquises dans le cadre du mandat. Ainsi, dans une affaire, l'employeur n'avait pas hésité à mentionner que « […] les évaluations professionnelles du salarié soulèvent les difficultés d’évaluation et d’organisation de son service liées à des absences récurrentes et mal planifiées, dont il n’est pas contesté qu’elles ont été causées par ses mandats syndicaux, tant au sein de l’entreprise qu’à l’extérieur de celle-ci […] » (Cass. soc. 23 octobre 2019, no 18-14976).
Cette prise en compte du mandat syndical dans le cadre de l'entretien d'évaluation, en l'absence d'accord collectif prévoyant cette possibilité très encadrée, laissait présumer l'existence d'une discrimination.
De même, si l'employeur met en place ce dispositif, il doit le faire de façon identique pour tous les salariés afin de respecter l'égalité de traitement des salariés entre eux. Pas question d'écarter les représentants du personnel ou le salarié titulaire d'un mandat syndical du dispositif sous peine d'être assigné pour discrimination syndicale. Or, a priori, aucune personne ne doit faire l'objet d'aucune mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de qualification, de classification de promotion professionnelle en raison de ses activités syndicales (Art. L. 1132-1 C. trav.).
Les entretiens professionnels
Au minimum tous les deux ans, l'employeur a l'obligation de faire passer un entretien professionnel aux salariés. Cet entretien est différent du précédent en ce qu'il ne doit pas porter sur l'évaluation des compétences professionnelles du salarié mais sur l'avenir professionnel du salarié au regard de sa qualification et de son emploi. L'employeur doit lui présenter une information relative à la validation des acquis de l'expérience et au compte personnel de formation. L'entretien porte donc sur l'évolution professionnelle du salarié.
Entretiens supplémentaires si le salarié est ou était élu au CSE ou titulaire d'un mandat syndical
Un salarié titulaire d'un mandat de représentation du personnel titulaire, le délégué syndical ou le titulaire d'un mandat syndical a le droit de demander à son employeur un entretien professionnel de début de mandat qui porte sur l'organisation de l'exercice du mandat en relation avec le poste occupé. Ce dernier ne remplace pas pour autant l'entretien professionnel précédent, mais le complète.
À la fin du mandat, l'employeur doit automatiquement proposer un entretien au salarié concerné pour recenser les compétences acquises lors de son mandat.
L'ordonnance Macron du 22 septembre 2017 a modifié ce dispositif de l'entretien professionnel de fin de mandat depuis le 1er janvier 2020. Si, dans les entreprises de 2000 salariés et plus, il est ouvert à tous les élus et mandatés concernés, dans les entreprises de moins de 2000 salariés, il est réservé au titulaire de mandat disposant d’heures de délégation sur l’année représentant au moins 30 % de la durée de travail fixée dans son contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l’établissement (Art. L. 2141-5 du C.trav.).