Domicile éloigné du lieu de travail : qui prend en charge l’abonnement SNCF ?
Loyers exorbitants, petits appartements, métros bondés… La plupart des études et des sondages l'attestent, la crise et le confinement poussent de plus en plus de salariés à se mettre au vert. Un exode urbain rendu aujourd'hui possible par le télétravail, pour ceux qui peuvent le pratiquer. En décidant que l'employeur doit prendre en charge (en partie) les frais de transport exposés par un salarié francilien pour rentrer le weekend dans l'Hérault, la Cour de cassation pourrait bien contribuer à amplifier le phénomène.
Notion de « résidence habituelle »
Selon l'article L. 3261-2 du Code du travail, l'employeur doit prendre en partie à sa charge le coût des titres d'abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements en transports publics entre leur résidence habituelle et le lieu de travail. Mais que faut-il entendre par « résidence habituelle » ?
Cet article s'applique-t-il aux salariés dont le domicile est situé à plusieurs centaines de kilomètres du lieu de travail ?
La Cour de cassation vient de répondre par l'affirmative. Les juges peuvent parfaitement décider que le domicile du salarié est celui où il se rend tous les weekends pour retrouver sa famille, au motif cette résidence est celle où se situe le cadre stable et habituel de ses intérêts (Cass. soc. 12 nov. 2020, n° 19-14818).
Travailleur en Île-de-France, domicilié dans l'Hérault
Un salarié domicilié dans l'Hérault (34) est embauché en qualité de « responsable projet » au sein d'un établissement de la Société Générale situé dans le Val-de-Marne (94). Durant la semaine, le salarié parvient à se faire héberger par sa famille ou chez des amis. Le weekend, il rentre au domicile familial pour retrouver femme et enfants. Assez rapidement survient un litige concernant les frais de transport : l'employeur doit-il prendre en charge l'abonnement SNCF souscrit par le salarié pour effectuer ses déplacements de fin de semaine ? Le juge est saisi.
Selon l'employeur, le domicile du salarié doit s'entendre du lieu où il réside pendant les jours travaillés. Il estime devoir participer aux frais de transports uniquement pour les trajets effectués quotidiennement jusqu'au lieu de travail, peu important le lieu de résidence familiale.
Le salarié, quant à lui, rappelle que la notion de résidence habituelle se définit comme « le lieu où le salarié fixe, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre de ses intérêts » ; or ses demandes de mobilité dans l'Hérault, puis de télétravail, attestent bien du caractère stable et habituel de la résidence familiale.
l produit aux débats des attestations montrant le caractère précaire de son hébergement en Région parisienne, le salarié étant parfois contraint de partager une chambre d'hôtel avec un collègue. Enfin, le salarié fait valoir que la loi ne fixe pas de condition relative à la distance domicile – travail pour la prise en charge des frais de transport par l'employeur.
Les juges lui donnent raison. La Société Générale est condamnée à lui payer plus de 15 000 euros au titre du remboursement des frais SNCF (Cass. soc. 12 nov. 2020, n° 19-14818).
Sur son site Internet, l'URSSAF recommande aux employeurs de ne pas prendre en charge les frais d'abonnement Paris-province des salariés franciliens dont la famille réside en région.On y trouve cette affirmation, contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation, donc fausse : « La notion de résidence habituelle doit s'entendre du lieu où le salarié réside pendant les jours travaillés. Ainsi, dans l'hypothèse d'un salarié ayant une double résidence (la semaine à Paris où il travaille, le weekend en province où réside sa famille) il doit être considéré, au regard de la législation domicile/lieu de travail, comme ayant sa résidence habituelle à Paris. Par conséquent, il n'ouvre pas droit à la prise en charge obligatoire de son titre d'abonnement province-Paris. Il n'ouvre droit qu'à la prise en charge de son titre de transport parisien ».
Conditions de prise en charge
Pour bénéficier de la prise en charge des frais de transport, deux conditions à remplir :
- Utiliser des transports en commun ou un service public de locations de vélos (du type Vélib' à Paris) ;
- Acheter des titres d'abonnement.
Le remboursement par l'employeur de ces titres d'abonnement s'effectue à hauteur de 50 % de leur coût pour le salarié, sur la base du tarif 2e classe. Pour cela, le salarié doit présenter ses titres de transport à l'employeur. Lorsque ses nom et prénom n'y figurent pas, une attestation sur l'honneur rédigée par le salarié suffit.
Pour les titres de transport dont la validité est annuelle, l'employeur procède au remboursement à due proportion tous les mois. Dans les autres cas, le remboursement s'effectue dans les meilleurs délais (au plus tard, à la fin du mois suivant celui de leur utilisation). Dans tous les cas, le montant de la prise en charge des frais de transports doit apparaître sur le bulletin de paie.
Article L. 3261-2 du Code du travail
Articles R. 3261-1 à R. 3261-10 du Code du travail
Mention bulletin de salaire : article R. 3241-3 du Code du travail