L’entretien préalable au licenciement en visioconférence est-il possible ?
L'entretien préalable est obligatoire
L'employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer, avant toute décision, à un entretien. Institué pour protéger les travailleurs de décisions arbitraires, cet entretien a pour vocation d'établir un dialogue avec l'employeur afin d'éviter le licenciement.
Il existe un seul cas dans lequel l'entretien préalable au licenciement n'est pas obligatoire : lorsqu'au moins 10 salariés sont licenciés pour motif économique sur une même période de 30 jours et s'il existe un CSE dans l'entreprise.
Hormis cette hypothèse, tout licenciement doit être précédé d'un entretien, quelle que soit l'ancienneté du salarié ou l'effectif de l'entreprise (Art. L. 1232-2 du C. Trav)
Un appel téléphonique ne peut pas remplacer un entretien préalable
Dans un ancien arrêt de 1991, la Cour de Cassation a jugé qu'une conversation téléphonique ne peut pas remplacer l'entretien préalable au licenciement (Cass. soc. 14 nov. 1991, n°90-44195). Cette jurisprudence toujours d'actualité, a été confortée en février dernier par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence. Elle rappelle qu'un entretien préalable qui se déroule par téléphone n'est pas une pratique autorisée par la loi, ni validée par la jurisprudence. La procédure de licenciement est par conséquent irrégulière en cas d'entretien par téléphone (CA Aix-en-Provence, 14 févr.⁄2020, n° 17/10274).
La position de la jurisprudence est donc très claire : les entretiens préalables à licenciement réalisés par téléphone ne sont pas réguliers.
Des décisions nuancées concernant la visioconférence
Concernant la visioconférence, La Cour de cassation ne s'est pas encore prononcée, mais différentes cours d'appel ont déjà dû se positionner ces dernières années.
En 2016, la Cour d'appel de Rennes a reconnu régulière une procédure de licenciement ayant eu recours à la visioconférence. L'utilisation de ce dispositif était intervenue à la demande du salarié qui n'avait pas la possibilité de se déplacer pour raisons familiales et médicales (CA Rennes, 11 mai 2016, n° 14/08483).
Ensuite en 2019, la Cour d'appel de Bourges a jugé irrégulière une procédure de licenciement intervenue par visioconférence. Le système de visioconférence utilisé ne permettait pas de s'assurer que seule la directrice était présente à distance pour l'entretien préalable de la salariée (CA Bourges 15 novembre 2019, n° 18/00201).
Récemment, la Cour d'appel de Grenoble s'est également prononcée sur une procédure de licenciement intervenue par visioconférence. La Cour explique qu'un employeur ne peut régulièrement imposer au salarié la tenue d'un entretien préalable par un moyen de visioconférence. En l'absence d'accord explicite entre l'employeur et le salarié la procédure est irrégulière (CA Grenoble, 7 janv. 2020, n°17/02442).
Enfin, la cour d'appel de Versailles a validé, en juin dernier, l'utilisation de la visioconférence en raison de l'éloignement géographique des parties. Le statut d'expatriée de la salariée et sa localisation à Dubaï ont pu justifier le recours à la visioconférence, dès lors que les droits de la salariée ont été respectés et que cette dernière a pu se défendre utilement (CA Versailles, 4 juin 2020, n°17/04940).
Même si la solution reste encore incertaine, les décisions des juges du fond permettent de faire ressortir de grands principes. Un entretien préalable à licenciement organisé en visioconférence pourrait être régulier uniquement s'il intervient à la demande du salarié et si ce dernier y consent de manière claire et explicite. Le salarié doit être informé des dispositifs techniques mis en place et de l'identité de toutes les personnes présentes. L'entretien en visioconférence doit également garantir le respect de tous les droits du salarié, notamment celui de se faire représenter.