La protection des salariés vulnérables a du plomb dans l’aile
Nouvel épisode limitant le droit à l'activité partielle pour les salariés vulnérables
Dernier épisode en date sur la protection des salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave de Covid-19. Le gouvernement revient certes à la liste élargie des critères de vulnérabilité mais impose une nouvelle condition pour pouvoir bénéficier de l'activité partielle : ne pouvoir ni totalement télétravailler, ni bénéficier de mesures de protection renforcée sur son poste de travail.
Le décret n° 2020-1365 du 10 novembre 2020 (JO du 11.11.2020, applicable à partir du 12 novembre 2020) pose ainsi deux critères cumulatifs pour qu'un salarié puisse bénéficier de l'activité partielle (ex. chômage partiel) : l'un lié à son âge ou à son état de santé et l'autre à son poste de travail.
Critères liés à l'âge ou à l'état de santé
Le décret du 10 novembre 2020 revient à la liste initiale des 11 critères de vulnérabilité définie en mai dernier et ajoute même un 12e critère de maladies neurologiques désormais prises en compte :
1° Être âgé de 65 ans et plus ;
2° Avoir des antécédents (ATCD) cardiovasculaires : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculo-cérébrales), ATCD d’accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;
3° Avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;
4° Présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale : (broncho pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d’apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ;
5° Présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;
6° Être atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;
7° Présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC) > 30 kgm2) ;
8° Être atteint d’une immunodépression congénitale ou acquise :
– médicamenteuse : chimiothérapie anticancéreuse, traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ;
– infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ;
– consécutive à une greffe d’organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ;
– liée à une hémopathie maligne en cours de traitement ;
9° Être atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ;
10° Présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ;
11° Être au troisième trimestre de la grossesse ;
12° Être atteint d'une maladie du motoneurone, d'une myasthénie grave, de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, de paralysie cérébrale, de quadriplégie ou hémiplégie, d'une tumeur maligne primitive cérébrale, d'une maladie cérébelleuse progressive ou d'une maladie rare.
Critères liés au poste de travail
Mais désormais, présenter l'un des 12 critères attestant de sa vulnérabilité au Covid-19 ne suffit plus pour pouvoir bénéficier de l'activité partielle. Il faut également ne pouvoir ni recourir totalement au télétravail, ni bénéficier des mesures de protection renforcées suivantes :
- L'isolement du poste de travail (bureau individuel) ou, à défaut, son aménagement pour limiter au maximum le risque d'exposition (adaptation des horaires ou mise en place de protections matérielles) ;
- Le respect de gestes barrières renforcés (hygiène des mains renforcée, port systématique d'un masque) ;
- L'absence ou la limitation du partage du poste de travail ;
- Le nettoyage et la désinfection du poste de travail et des surfaces touchées par la personne au moins en début et en fin de poste, en particulier lorsque ce poste est partagé ;
- Une adaptation des horaires d'arrivée et de départ et des éventuels autres déplacements professionnels, compte tenu des moyens de transport utilisés par la personne, afin d'y éviter les heures d'affluence ;
- La mise à disposition par l'employeur de masques de type chirurgical en nombre suffisant pour couvrir les éventuels trajets en transport collectifs.
Le ministère du Travail a mis à jour le 13 novembre son protocole national de sécurité sanitaire en entreprise pour y intégrer les modalités du décret et, surprise, ça ne change (presque) rien ! En effet, le télétravail est actuellement prescrit pour l'ensemble des salariés, vulnérables ou non, et les « mesures de protection renforcées » ne sont rien d'autre que les mesures prescrites pour tous les salariés.
La seule différence entre les mesures de prévention prescrites pour les salariés vulnérables et celles prévues pour les autres salariés tient à leur nature juridique : les premières sont règlementaires et donc contraignantes pour les employeurs puisqu'elles sont issues d'un décret ; les secondes n'ont pas de valeur juridique contraignante et relèvent de ce que l'on nomme le « droit mou » puisqu'elles sont issues d'une simple communication ministérielle.
Possibilité de saisir le médecin du travail
Si le salarié réunit les deux critères cumulatifs (raison de santé et impossibilité de télétravailler ou de bénéficier des mesures de protection renforcées), il peut demander à bénéficier de l'activité partielle en transmettant un certificat médical à son employeur. Cela peut être le même certificat que celui présenté dans le cadre de l'application du décret du 5 mai 2020 (voir rappel ci-dessous).
En cas de désaccord entre le salarié et l'employeur sur l'application des mesures de protection renforcées sur le poste de travail (et donc sur le droit à bénéficier, ou non, de l'activité partielle pour le salarié), le salarié peut saisir le médecin du travail qui se prononcera sur le sujet. Dans l'attente de son avis, le salarié est placé en activité partielle.
Rappel des épisodes précédents et perspectives
En application de la loi du 25 avril 2020, un premier décret du 5 mai 2020 avait défini 11 critères de vulnérabilité permettant aux salariés présentant un risque de développer une forme grave d'infection au coronavirus, ainsi qu'aux salariés partageant le même domicile que des personnes vulnérables, de bénéficier de l'activité partielle.
Puis un second décret du 29 août 2020 avait restreint ce dispositif à seulement 4 critères et prévu qu'il ne s'appliquerait plus aux salariés partageant le même domicile qu'une personne vulnérable (voir nos explications ici).
Enfin, une ordonnance du Conseil d'Etat du 15 octobre 2020 avait suspendu les dispositions du décret du 29 août 2020 estimant que le choix des pathologies conservées comme éligibles n'était ni cohérent ni suffisamment justifié par le gouvernement, notamment concernant le diabète ou l'obésité (voir nos explications ici).
Désormais, les décrets des 5 mai et 29 août 2020 sont abrogés et remplacés par le décret du 10 novembre 2020.
Plusieurs associations de patients et de malades chroniques étudient la possibilité de saisir le Conseil d'État en référé pour faire invalider ce nouveau décret qu'elles jugent attentatoires aux droits des personnes malades.
À suivre…