Activité partielle : longue durée pour le maintien en emploi ?
La loi du 17 juin 2020 (art. 53) a mis en place un nouveau dispositif d'activité partielle spécifique et temporaire dénommé « Activité réduite pour le maintien en emploi » (ARME). Il a été précisé par un décret du 28 juillet 2020. Il permet de placer les salariés d'une entreprise ou d'une partie de celle-ci en « activité partielle de longue durée » (APLD). Il est accessible par accord de branche ou d’entreprise et destiné aux entreprises confrontées à une réduction d'activité durable qui n'est pas de nature à compromettre leur pérennité. Il ne remplace pas le régime d'activité partielle de droit commun qui subsiste et qui, sous certaines conditions, peut continuer à être utilisé par les entreprises mais pas pour les mêmes salariés.
Les accords ARME ont la même finalité que certains accords de performance collective (APC) : faire peser sur les salariés la réduction d'activité, alors que la pérennité de l'entreprise n'est pas menacée, même s'il est vrai que, dans le cadre de l'APLD, l'État finance en partie cette baisse d'activité. Et si la loi précise qu'en contrepartie de la réduction d'horaire, l'employeur prendra des « engagements spécifiques […] notamment pour le maintien de l'emploi », cela ne lui interdit pas de licencier les salariés, ni pendant la mise en oeuvre de l'accord, ni après. C'est pourquoi la vigilance s'impose lors de la négociation de tels accords dont la question centrale est de rendre véritablement contraignants et exécutoires les engagements pouvant être pris coté patronal en cas de retour de l’entreprise à une meilleure situation sur le plan financier.
Un accord collectif est nécessaire
L'entreprise peut bénéficier de ce dispositif sous réserve de la conclusion d'un accord collectif d'établissement, d'entreprise ou de groupe ou de la conclusion d'un accord collectif de branche étendu.
Si l'entreprise souhaite bénéficier du régime d'activité partielle spécifique en application d'un accord de branche, elle doit élaborer un document conforme aux stipulations de l'accord de branche. Il peut être renouvelé dans le respect de la durée maximale fixée par ledit accord.
Des clauses obligatoires et facultatives
L'accord collectif auquel est subordonné le bénéfice du dispositif doit comporter un préambule présentant un diagnostic sur la situation économique et les perspectives d'activité de l'établissement, de l'entreprise, du groupe ou de la branche.
L'accord définit obligatoirement :
- la date de début et la durée d'application du dispositif spécifique d'activité partielle (dans la limite de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 36 mois consécutifs) ;
- les activités et salariés auxquels il s'applique ;
- la réduction maximale de l'horaire de travail en deçà de la durée légale ; celle-ci ne peut être supérieure à 40 % de la durée légale pour chaque salarié concerné sur la durée d'application du dispositif (50 % de la durée légale dans des cas exceptionnels résultant de la situation particulière de l'entreprise, sur décision de l'autorité administrative et dans les conditions prévues par l'accord) ;
- les engagements en matière d'emploi et de formation professionnelle ; en matière de maintien de l'emploi, ils portent sur l'intégralité des emplois de l'établissement ou de l'entreprise, sauf accord contraire mais qui ne peut concerner que les salariés qui ne sont pas placés en APLD ;
- les modalités d'information des organisations syndicales de salariés signataires et du comité social et économique sur la mise en œuvre de l'accord. Cette information a lieu au moins tous les trois mois.
Ni la loi ni le décret n'imposent aux dirigeants de l'entreprise (salariés, mandataires sociaux et actionnaires) de fournir des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant la durée de recours au dispositif. L'accord peut le prévoir mais ce n'est pas une obligation.
Pour faire bonne mesure, les conditions dans lesquelles les salariés prennent leurs congés payés et utilisent leur compte personnel de formation, avant ou pendant la mise en œuvre du dispositif n'ont pas à figurer obligatoirement dans l'accord. Mais cette apparente symétrie est un trompe-l'œil car le chantage à l'emploi permettra plus facilement aux employeurs d'imposer dans l'accord des clauses obligeant les salariés à prendre leurs congés ou à partir en formation.
Enfin, l'accord peut prévoir les moyens de suivi de l'accord par les organisations syndicales.
Un contrôle avant et après par l’administration
L'accord d'entreprise, d'établissement ou de groupe, ou le document unilatéral élaboré par l'employeur, doit être transmis pour validation (accord) ou homologation (document) à la Direccte du 31 juillet 2020 au 30 juin 2022.
Celle-ci s'assure de la régularité de la procédure de négociation et de la présence des clauses obligatoires dans l'accord. S'agissant du document unilatéral, le Direccte vérifie que le CSE, s'il existe, a bien été consulté, que l'accord de branche comporte les dispositions obligatoires requises, que le document unilatéral s'y conforme et qu'il comporte des engagements spécifiques en matière d'emploi.
Le Direccte dispose de 15 jours suivant sa réception pour valider l'accord et 21 jours pour valider le document unilatéral, son silence valant acceptation dans les deux cas.
La décision d'homologation ou de validation est notifiée par voie dématérialisée à l'employeur. Elle est également notifiée, par tout moyen, au comité social et économique, lorsqu'il existe, et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales signataires.
La décision d'homologation ou de validation vaut autorisation d'activité partielle spécifique pour une durée de six mois.
L'autorisation est renouvelée, le cas échéant, par période de six mois. Pour obtenir ce renouvellement, l'entreprise doit fournir, avant l’échéance de chaque période d’autorisation d’activité partielle, un bilan portant sur le respect des engagements en matière d'emploi et de formation professionnelle et d’information aux syndicats et CSE sur la mise en oeuvre de l’accord. Ce bilan doit s’accompagner d’un « diagnostic actualisé de la situation économique et des perspectives d’activité de l’établissement, de l’entreprise ou du groupe », et du procès-verbal de la dernière réunion du CSE évoquant la mise en oeuvre de l’activité partielle.
Et si l'employeur ne maintient pas l'emploi ?
L'autorité administrative peut interrompre le versement de l'allocation lorsqu'elle constate que les engagements pris en matière d'emploi et de formation professionnelle ne sont pas respectés par l'employeur.
Si le contrat de travail d'un salarié placé en activité partielle spécifique est rompu pour une cause économique pendant la durée de recours au dispositif, l'administration demande à l'employeur de rembourser les sommes perçues pour le salarié concerné. Si c'est un salarié qui n'était pas placé en activité partielle spécifique qui est licencié mais dont l'employeur s'était engagé à maintenir dans l'emploi, la somme à rembourser est égale, pour chaque rupture, au rapport entre le montant total des sommes versées à l'employeur au titre de l'allocation d'activité partielle spécifique et le nombre de salariés placés en activité partielle spécifique.
Cependant le remboursement de tout ou partie des sommes dues par l'employeur peut ne pas être exigé s'il est incompatible avec la situation économique et financière de l'établissement, de l'entreprise ou du groupe.
Quelle indemnisation ?
Le régime de droit commun peut être utilisé pour d’autres salariés que ceux placés en activité réduite de longue durée, pour l’un des motifs suivants : difficultés d’approvisionnement en matières premières ou énergie, sinistre ou intempéries exceptionnelles, transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise, toute autre circonstance exceptionnelle, mais pas la conjoncture économique.
Les salariés placés en activité partielle de longue durée reçoivent une indemnité horaire versée par l'employeur à la date normale de la paie. Elle correspond à 70% de leur rémunération brute dans la limite de 4.5 fois le SMIC horaire.
Exemple : si le temps de travail est réduit de 5 heures par semaine et si le salarié est rémunéré à 60 euros bruts de l'heure, l’indemnité légale est plafonnée à 70 % de 4,5 Smic. L'indemnité de ce salarié sera de 31,97 euros par heure non travaillée. Il percevra une indemnité légale égale à 159,85 € par semaine (5 x 31,97 €).
Le taux horaire ne peut pas être inférieur à 8,03 euros selon le ministère du travail. Ce minimum n'est pas applicable pour les salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
La rémunération servant de base de calcul est celle de l'indemnité de congés payés (art. L. 3141-24 du C. trav.) ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail applicable dans l'entreprise ou, lorsqu'elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail.
La totalité des heures chômées est prise en compte pour le calcul de l’acquisition des droits à congés payés. Elle est également prise en compte pour la répartition de la participation et de l’intéressement lorsque cette répartition est proportionnelle à la durée de présence du salarié. Lorsque cette répartition est proportionnelle au salaire, les salaires à prendre en compte sont ceux qu’aurait perçus le salarié s’il n’avait pas été placé en activité partielle (art. R. 5122-11 du C. trav.).
L’allocation versée à l'employeur est égale à :
- 60 % de la rémunération brute horaire, limitée à 4,5 fois le taux horaire du Smic, si l’accord est transmis à l'administration avant le 1er octobre 2020 ;
- 56 % si l’accord est transmis à compter du 1er octobre 2020.
Ce régime de l'activité partielle de droit commun sera modifié à compter du 1er octobre 2020.