L’état d’urgence ne peut servir de prétexte pour empêcher les déplacements d’un délégué syndical
Dans l'exercice de ses fonctions, le délégué syndical peut, durant les heures de délégation et en dehors de celles-ci, se déplacer hors de l'entreprise ou circuler librement dans l'entreprise et y prendre tout contact nécessaire à l'accomplissement de sa mission (Art. L. 2143-20 du C. trav.). Mais qu'en est-il de ce principe d'ordre public en période de crise sanitaire ?
NVO Droits avait déjà évoqué la question s'agissant de la liberté de circulation des membres élus au sein du CSE (voir notre article du 26 mai dernier). Nous vous proposons aujourd'hui de faire un point sur les déplacements du délégué syndical. Une ordonnance du tribunal judiciaire (TJ) de Saint-Nazaire en date du 27 avril 2020 a d'ailleurs été rendue à ce sujet.
L'état d’urgence ne peut servir de prétexte pour empêcher la circulation des élus du CSE
La propagation du virus : prétexte pour enfreindre les droits d'un délégué syndical
Dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, la circulation des personnes et des véhicules a été restreinte, voire interdite notamment sur les lieux de travail (décret du 23 mars 2020, n° 2020-293 et Art. L. 3131-15 du code de la santé publique).
Beaucoup d'employeurs, qui devaient par ailleurs assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés (Art. L. 4121-1 du Code du travail), y ont aussi vu une possibilité, consciente ou non, de restreindre cette liberté de circulation aux élus et mandatés alors que l'ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesure d'urgence relative aux instances représentatives du personnel ne prévoyait pas de dérogation en matière de déplacement des intéressés.
Face à des restrictions dont il était victime, et estimant ne pas pouvoir exercer convenablement son mandat, le délégué syndical CGT d'une entreprise aérospatiale a saisi en référé le TJ de Saint-Nazaire (procédure d'urgence, Art. 825 du CPC).
Le droit de se déplacer librement dans le cadre du mandat de DS est maintenu
Par décision en date du 27 avril 2020, le TJ de Saint-Nazaire ordonne à l'employeur de délivrer une attestation de déplacement professionnel et une autorisation d'accéder au site de l'établissement, sous peine pour l'entreprise de devoir payer une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du lendemain de la notification de l'ordonnance.
Le salarié, délégué syndical seul en charge de représenter et d'animer son syndicat CGT s'était vu refuser l'accès au site de Saint-Nazaire par sa direction, l'empêchant ainsi de communiquer avec les salariés. Ces restrictions à la liberté de circuler étaient bel et bien disproportionnées, compte tenu des missions du délégué syndical. Ce dernier, d'ailleurs placé en situation de télétravail, devait pouvoir exercer ses fonctions sans être entravé.
Des mesures barrière respectées
Compte tenu du contexte particulier de crise sanitaire qui a affecté tout le pays, et des conditions dans lesquelles les tribunaux ont eu à statuer sur des affaires urgentes (voir notre article du 15 avril 2020 s'agissant « les prud'hommes pendant la crise du coronavirus »), le TJ a estimé nécessaire de rappeler :
- à l'entreprise de faire bénéficier le salarié (demandeur) de l'ensemble des mesures de protection mises en œuvre dans le contexte d'état d'urgence sanitaire ;
- au salarié, que dans le cadre de son mandat, l'autorisation d'accès au site de l'établissement devra être exercée dans un respect strict des conditions sanitaires imposées à tous les salariés du site de Saint-Nazaire et selon des modalités validées par la médecine du travail.
Ainsi, les matériels de protection individuelle, tels les masques, le gel hydroalcoolique… doivent être mis à la disposition des salariés mais aussi des délégués syndicaux et élus du CSE dans l'exercice de leurs fonctions.