Pas de changement arbitraire des conditions de travail
Membres du CSE, délégués syndicaux, conseillers prud’hommes, conseillers du salarié … mais aussi, pour un temps plus limité, anciens élus, candidats aux élections dans l’entreprise, demandeurs d’élection… Tous ces salariés bénéficient d’un statut particulier, dit « protecteur », en raison des risques liés à leurs activités militantes. La nécessité d'obtenir l'autorisation de l'inspecteur du travail pour les licencier est l'aspect le plus connu, mais il existe aussi une protection en cas de modification du contrat de travail ou de changement des conditions de travail.
Ces salariés, dévoués à la défense de l'intérêt collectif des travailleurs, ne doivent pas en subir les conséquences au quotidien. C'est la raison pour laquelle ils sont protégés dans l'exécution de leur contrat, ce que vient utilement rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 10 juillet.
Les faits sont les suivants. Une salariée élue déléguée du personnel est affectée à de nouvelles tâches immédiatement après réception par l'employeur d'un courrier l'informant d'une action en justice de sa part. Malgré l'opposition de la salariée formulée par écrit, sa nouvelle affectation est maintenue. Or, en droit, l'employeur a deux options : soit il renonce à son projet, soit il demande l'autorisation de licencier à l'inspecteur du travail, à condition pouvoir motiver cette demande. Mais rien de tel dans notre affaire, l'employeur persiste et impose le changement.
Que faire en pareil cas ? La salariée aurait pu exiger une réintégration dans ses fonctions antérieures devant le juge des référés, assortie d'un rappel de salaire et de dommages et intérêts (Cass. soc. 28-6-2006 n° 05-41.340). Ne le souhaitant pas, elle décide de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur. Un choix validé par les juges.
Le changement de fonctions imposé, mesure de rétorsion pour sanctionner l'action en justice de la salariée, constituait un manquement grave de la part de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. La « prise d'acte » était donc justifiée et produisait les effets d'un licenciement nul, donnant droit à la salariée aux indemnités de rupture, à une indemnité pour licenciement illicite et à une indemnité pour violation du statut protecteur.