Anxiété patronale
C'est l'inquiétude de voir se déclarer à tout moment une maladie liée à l'amiante. Ce préjudice justifie une réparation spécifique, en plus de celle due au titre de la maladie professionnelle. Le hic, car il y a un hic, c'est que la Cour de cassation limite la reconnaissance de ce préjudice d'anxiété exclusivement aux salariés travaillant dans des établissements inscrits sur une liste dressée par arrêté ministériel et qui ouvre droit à la préretraite amiante.
Or, des travailleurs qui ont été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante peuvent éprouver, eux aussi, l'inquiétude permanente de voir se déclarer à tout moment l'une des maladies liées à cette inhalation, quand bien même leur entreprise ne figurerait pas sur la liste ministérielle. V'là-t'y pas que la Cour d'appel de Paris vient de faire sienne cet argument de bon sens dans une affaire où un salarié d'EDF a été exposé aux poussières d'amiante. Encore fallait-il contourner la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation. Pour ce faire, les juges parisiens affirment que lorsque le salarié exposé à l'amiante n'est pas éligible à la préretraite amiante, le droit commun de la responsabilité contractuelle doit s'appliquer et, en particulier, l'obligation de sécurité dont l'employeur est titulaire. Le préjudice d'anxiété subi par ce salarié a été évalué à la somme de 10 000 euros (appel Paris, Pôle 6, ch. 8 n° 13/12586 du 29 mars 2018).
Quant à l'anxiété patronale générée par cette jurisprudence courageuse, elle est sans doute à son comble. Et vu l'air ambiant, ça ne m'étonnerait pas que le patronat exige d'être indemnisé pour l'inquiétude permanente de se voir imposer, par décision de justice, le respect de ses obligations en matière de santé au travail. Laurent Milet.