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DROITS ET LIBERTÉS DANS L'ENTREPRISETechnologies de l’information et de la communication
DROITS ET LIBERTÉS DANS L'ENTREPRISETechnologies de l’information et de la communication

Messagerie instantanée et vie privée

Publié le 19 septembre 2017
Modifié le 21 septembre 2017
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L'employeur peut surveiller les communications de son salarié via le matériel électronique mis à sa disposition. Dans un arrêt du 5 septembre 2017, la Cour européenne des droits de l'Homme montre que les modalités de surveillance doivent être encadrées, dans le souci du droit du salarié à la vie privée.

Un ingénieur chargé des ventes crée, à la demande de son employeur, une messagerie professionnelle instantanée pour communiquer avec ses clients. Il l'utilise également à des fins privées. L'employeur enregistre durant huit jours les communications en temps réel du salarié, et lui présente 45 pages retranscrivant ses échanges avec son frère et sa fiancée. Il est licencié par son employeur. Ce dernier s'estime dans son bon droit : le règlement intérieur interdit toute utilisation à des fins personnelles des ordinateurs, photocopieurs, téléphones . Une note distribuée dans l'entreprise peu de temps avant a informé les salariés du fait que « l'employeur se voit dans l'obligation de vérifier et de surveiller le travail des employés et de prendre des mesures de sanction envers les personnes en faute ». 

L'intéressé estime qu'il y a atteinte au secret de la correspondance. Après plusieurs actions devant les juridictions roumaines, qui le déboutent, le salarié porte l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

Droit au respect de la vie privée

Le requérant soutient que la mesure de licenciement prise par son employeur repose sur une violation du droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Dans une première décision du 12 janvier 2016 , la CEDH conclut à la non violation de l'article 8.
Mais en appel, la cour juge qu'en ne procédant pas à l'annulation du licenciement de l'ingénieur, les juridictions roumaines :
— ont manqué à leur obligation de vérifier si le requérant avait été préalablement averti par son employeur de la surveillance de ses communications ;
— n'ont pas tenu compte du fait qu'il n'avait été informé ni de la nature ni de l'étendue de la surveillance, ni du degré d'intrusion dans sa vie privée et sa correspondance ;
— n'ont pas déterminé quelles raisons concrètes avaient justifié la mise en place des mesures de surveillance, si l'employeur aurait pu faire usage de mesures moins intrusives et enfin si l'accès au contenu des communications avait été possible à son insu.

La cour en conclut que les autorités internes n'ont pas protégé de manière adéquate le droit du requérant au respect de sa vie privée et de sa correspondance et que, dès lors, elles n'ont pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts en jeu (CEDH, 5 sept. 2017, Requête n° 61496/08)

Messages personnels

La législation française garantit en matière de contrôle des salariés un niveau de protection conforme aux exigences de la Cour européenne des droits de l'Homme.

Mais un point concernant le secret des correspondances mérite d'être noté. L'ingénieur roumain soulignait qu'ayant créé lui-même le compte Yahoo Messenger en cause et étant seul à en connaître le mot de passe, il pouvait raisonnablement croire au caractère privé de ses communications. Selon les décisions de la Cour de cassation, dès lors que le support (ordinateur, téléphone etc.) est fourni par l'employeur, les messages et fichiers sont présumés avoir un caractère professionnel sauf s'ils sont clairement identifiés comme personnels (voir RPDS n° 791, mars 2011, « Les limites à l'utilisation des nouvelles technologies dans l'entreprise »).

Or marquer un message comme personnel sur une messagerie instantanée semble techniquement problématique, plus encore que sur des SMS par exemple. L'interrogation avait été soulevée par un arrêt de 2015 (Cass. soc. 10 fév. 2015, NVO.fr 2 mars 2015).