La sécurisation des patrons en marche
Motif de licenciement, plans de sauvegarde de l'emploi, droit au reclassement, ordre des licenciements, délais de recours…. tout le droit du licenciement économique est impacté par la loi habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance.
Des licenciements plus faciles à justifier
Aujourd’hui, un employeur peut licencier pour motif économique en présence de difficultés économiques ou d’une menace sur la compétitivité de l’entreprise. Si celle-ci appartient à un groupe, alors ces difficultés (ou cette menace) doivent exister dans le secteur d’activité du groupe pris dans son ensemble. En cas de litige, le contrôle du juge n’est pas réduit aux entreprises implantées sur le territoire national ; il s’étend aux entreprises situées à l’étranger (Cass. soc. 16 novembre 2016, n° 15-19.927).
Grâce à cette jurisprudence, les salariés peuvent faire sanctionner les licenciements « boursiers ». En témoigne l'emblématique affaire Continental avec la fermeture de l’usine de Clairoix, à coté d’Amiens. Les juges ont pu constater l’absence de difficultés financières dans le groupe Continental, l’usine de Clairoix ayant été fermée dans le seul but d’accroître les profits. Conclusion logique : les licenciements étaient sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 6 juillet 2016, n° 14-27.266).
Demain, le périmètre d’appréciation de la situation économique d’un groupe serait limité au territoire national. Par exemple, si un groupe de dimension internationale ne comporte qu’une société sur le sol français, seule cette société sera contrôlée par le juge. Il ne sera plus tenu compte des moyens financiers du groupe à l’international, même s’ils sont conséquents.
Par ailleurs, la notion de « secteur d’activité » serait précisée dans la loi, avec le risque d’opter pour une conception trop stricte…. qui réduirait mécaniquement le contrôle du juge. Or plus le périmètre du contrôle judiciaire est restreint, plus il est facile de dissimuler les bénéfices ailleurs dans le groupe. Il suffirait à l'employeur d’invoquer, par exemple, des pertes sur la vente d’un seul produit pour justifier des licenciements.
Des licenciements collectifs sans plans de sauvegarde de l'emploi
Aujourd’hui, il y a obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) lorsque les conditions suivantes sont réunies (Art. L. 1233-61 C.T.) :
- un projet de licenciement collectif menace au moins 10 salariés ;
- ces licenciement sont prévus sur une période de 30 jours ;
- l’entreprise comporte au moins 50 salariés.
Demain, ces seuils pourraient être augmentés. L’objectif, ici, est d’affranchir les employeurs des obligations relatives aux PSE. Par exemple, les PSE ne seraient obligatoires que dans les entreprises d’au moins 100 salariés lorsque 20 licenciements au minimum sont envisagés.
Des recherches de reclassement très allégées
Aujourd’hui, lorsqu’un salarié est menacé de licenciement pour motif économique, l'employeur doit examiner toutes les possibilités de reclassement dans l’entreprise. Si cette dernière appartient à un groupe, les recherches doivent être étendues aux sociétés du groupe lorsque la permutation du personnel est possible. Les recherches de l'employeur doivent être loyales, sérieuses et individualisées.
Demain, l'employeur n’aurait plus qu’à créer une sorte de « bourse à l'emploi », en publiant sur l’intranet de l’entreprise tous les emplois vacants. À charge ensuite pour les salariés concernés de sélectionner les postes compatibles avec leurs compétences. Cette simple formalité suffirait à instituer en faveur des employeurs une présomption de bonne conduite. En cas de litige, ils seraient réputés avoir satisfait à leur obligation de recherche de reclassement.
Des catégories professionnelles sans contrôle
Aujourd’hui, en cas de licenciements collectifs, l'employeur ne peut choisir arbitrairement ceux qui vont perdre leur emploi. Il doit respecter un certain ordre (ancienneté, charges de famille…) au sein des catégories professionnelles concernées par les suppressions d'emploi. Ces catégories regroupent les salariés qui exercent des activités de même nature, supposant une formation professionnelle commune. Par exemple, si des emplois de secrétariat administratif sont supprimés dans une usine, les ouvriers de l'atelier de production ne seront pas concernés par l'application des critères. Le découpage des catégories professionnelles est donc fondamental car il protège les salariés des licenciements « à la tête du client ». Selon la jurisprudence, un découpage non adapté peut entraîner l’annulation d’un plan de sauvegarde de l'emploi (Conseil d’Etat 30 mai 2016, n° 387798).
Demain, les PSE issus d’accords conclus avec les syndicats bénéficieraient d’une présomption de conformité concernant la définition des catégories professionnelles. Conséquence, une absence de contrôle de l’administration et du juge sur ce point essentiel… et donc des possibilités de recours en moins pour les salariés.