Procès trop long, l’État français condamné
Les salariés qui saisissent les prud'hommes subissent une double peine : licenciés par leurs employeurs (dans la très grande majorité des cas), ils sont en plus maltraités par une institution judiciaire beaucoup, beaucoup trop lente. Or, en matière de justice prud'homale, il y a nécessité d'aller vite. Privé de ses revenus, le salarié doit en effet continuer à assumer les dépenses de la vie courante, payer son loyer, etc. jusqu'au rétablissement de ses droits.
Pour faire avancer les choses, le Syndicat des avocats de France (SAF) et la CGT ont décidé de prendre les choses en main en multipliant les procédures contre l'État. Depuis quelques années, ce dernier est régulièrement condamné pour « déni de justice », ou, dit autrement, pour refus de juger.
Dossier prud'hommes sur le site de l'Ugict-CGT
Derniers exemples en date, une série de jugements particulièrement bien motivés du tribunal d'instance de Meaux concernant des affaires passées en section commerce au CPH. Avec une durée moyenne avoisinant les 34 mois entre l'audience de conciliation et la mise à disposition du jugement, 139 affaires étaient à l'ordre du jour. Et tous les plaignants ont obtenu gain de cause. Selon le tribunal d'instance, il y a bien un déni de justice engageant la responsabilité de l'État lorsque ce dernier ne donne pas les moyens nécessaires à un conseil de prud'hommes pour des jugements rendus dans un délai acceptable. Or ce délai, 34 mois, est manifestement excessif dans le domaine particulièrement sensible des conflits en droit du travail. Conclusion des juges : les demandeurs peuvent prétendre à la réparation de leur préjudice moral, caractérisé par des tensions psychologiques et l'incertitude où ils se sont trouvés durant presque trois ans. Au total, 476 000 euros de dommages et intérêts ont été obtenus pour l'ensemble des dossiers.
Quels outils juridiques ? Différents textes prévoient l'exigence d'un délai raisonnable pour rendre la justice, ainsi que l'obligation de réparation à la charge de l'État.
- Article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme : toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable.
- Article L. 111-3 du Code de l'organisation judiciaire : les décisions de justice sont rendues dans un délai raisonnable
- Article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire : L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, notamment en cas de déni de justice.
Références
TI Meaux, 22 mars 2017, RG n° 11-16-001457, X c/Agent judiciaire du Trésor